L'ex-président français Jacques Chirac a jeté un pavé dans la mare il y a quelques jours en répétant à plusieurs reprises qu'il entendait voter pour l'aspirant candidat socialiste François Hollande à l'élection présidentielle de 2012.

La sortie du retraité de 78 ans, plus populaire que jamais dans la population, a été accueillie à gauche comme une gifle pour le président français Nicolas Sarkozy.

L'Élysée s'efforce pour sa part de réduire la portée de la déclaration de l'ancien président, qui a longtemps cherché à bloquer l'ascension de l'actuel chef d'État.

«C'est une simple blague, n'y accordez pas plus d'importance», répète à qui veut l'entendre le porte-parole du gouvernement, François Baroin.

«Jacques Chirac ne fait plus de politique depuis qu'il a quitté l'Élysée, le jour de la passation de pouvoir avec Nicolas Sarkozy. Il se l'est fixé comme règle. (...) Il ne veut pas gêner son successeur», assure-t-il.

L'incident à l'origine de cette levée de boucliers est survenu samedi à l'occasion de l'inauguration d'une exposition muséale en Corrèze, que l'ancien président a longtemps représenté comme député. François Hollande, qui préside aujourd'hui le conseil régional, était aussi présent pour l'occasion.

«Humour corrézien»

Devant plusieurs journalistes, Jacques Chirac a précisé à plusieurs reprises qu'il voterait pour François Hollande si l'actuel ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, ne se présentait pas à l'élection présidentielle. Or, M. Juppé n'est pas sur les rangs. Il s'est rangé officiellement derrière le président actuel qui aspire à un second mandat.

Bien qu'amusé, M. Hollande s'est empressé de préciser qu'il s'agissait d'une «plaisanterie». «C'est pour énerver ses amis, c'était sur le mode du sourire. Il ne faut pas voir là une déclaration», a précisé sur place l'ancien premier secrétaire du Parti socialiste, qui figure parmi les favoris pour l'investiture socialiste depuis l'arrestation de l'ancien directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn.

Prenant acte des échos donnés à l'affaire par les médias, M. Chirac a précisé rapidement dans un communiqué que sa sortie représentait un moment «d'humour corrézien entre républicains qui se connaissent depuis longtemps». «Je regrette que cela ait pu être interprété autrement», a-t-il ajouté, sans réussir à calmer les esprits.

Médias sceptiques

Plusieurs médias français, prenant le contrepied de l'Élysée, affirment que l'ex-président a fait sa sortie en toute connaissance de cause. «Cet homme qui a maîtrisé la langue de bois toute sa vie a pour une fois dit ce qu'il pensait», relève Anna Cabana, une journaliste du Point.

Certains analystes évoquent, pour appuyer cette thèse, le contenu du second tome des mémoires de Jacques Chirac dans lequel il louange François Hollande tout en décrivant Nicolas Sarkozy comme un homme «nerveux, impétueux, ne doutant de rien et surtout pas de lui-même».

Le chef d'État serait furieux de la sortie de son prédécesseur, allant jusqu'à le qualifier hors micro de «vieux gâteux» au dire du Canard enchaîné.

Des questions sur l'état de santé de l'ex-chef d'État avaient été soulevées il y a quelques mois en prévision de l'ouverture d'un procès pour emplois fictifs dans lequel Jacques Chirac est mis en accusation. Les procédures doivent normalement reprendre en septembre.