À un an du premier tour de l'élection présidentielle, la crainte d'une répétition du scrutin-choc du 21 avril 2002 est plus que jamais présente à l'esprit de la classe politique française. Plusieurs médias ont marqué le passage de cette date historique cette semaine en revenant sur la performance-surprise de l'ex-leader du Front national, Jean-Marie Le Pen, qui avait devancé le candidat socialiste Lionel Jospin avant d'être écrasé par le président sortant, Jacques Chirac, au second tour.

Nombre d'analystes ont rappelé du même coup que la configuration politique actuelle suggère qu'une répétition de ce scénario - ou d'un «21 avril à l'envers», dans lequel le candidat socialiste serait opposé au candidat frontiste - est plus que jamais possible en 2012.

Comme ce fut le cas en 2002, un grand nombre de politiciens ont déclaré leur intérêt pour le scrutin présidentiel à venir, favorisant une dispersion des voix qui menace les chances des deux grands partis traditionnels de figurer au second tour.

Question de confirmer ce risque, la firme Harris Interactive a diffusé il y a quelques jours un nouveau sondage produit pour le compte du Parisien indiquant que la nouvelle présidente du Front national, Marine Le Pen, se qualifierait pour le second tour peu importe qui sont ses adversaires.

Le directeur d'études de la firme de sondages, Jean-Daniel Lévy, note dans son analyse des résultats que la politicienne controversée «dispose d'un socle d'intentions de vote assez stable» qui varie entre 21 et 23% selon les différents scénarios étudiés.

Le sondage confirme aussi la fragilité du président actuel, Nicolas Sarkozy, dont la cote de popularité est passé sous la barre des 30%. Dans presque tous les cas de figure, il obtiendrait un score de 19 à 20% qui l'empêcherait d'accéder au second tour.

Les mauvais chiffres obtenus par le chef d'État suscitent la grogne au sein de la majorité présidentielle mais ils n'ont en rien entamé la confiance affichée du principal intéressé. «Moi, la situation, je la sens bien», a-t-il déclaré à ses proches lors d'un récent déjeuner à l'Élysée, sans véritablement réussir à les convaincre.

L'entourage du président espère que les autres candidats susceptibles de lui retirer des voix à droite, mis à part Marine Le Pen, se retireront avant le premier tour, augmentant d'autant ses chances.

L'ex-ministre Jean-Louis Borloo, pressenti un temps pour devenir premier ministre, a fait monter les enchères récemment en annonçant qu'il quittait l'UMP, parti de la majorité, en vue de créer une nouvelle «confédération» de partis centristes. Ses détracteurs l'accusent de vouloir prendre ses distances pour mieux monnayer politiquement son retour.

C'est le cas notamment du chef centriste du MoDem, François Bayrou, qui s'était imposé comme le troisième homme au scrutin de 2007. La «rupture» de M. Borloo, ironise-t-il, est une «opération de recyclage d'une partie de la majorité qui, en neuf ans [...] n'avait que dithyrambe pour Sarkozy tant que Sarkozy était tout en haut».

Le président doit aussi composer avec la candidature possible de son ennemi de longue date, l'ex-premier ministre Dominique de Villepin. Le flamboyant politicien vient d'annoncer son programme pour 2012 sans aller jusqu'à confirmer formellement qu'il sera sur les rangs.

La situation apparaît aussi incertaine du côté du Parti socialiste, qui doit tenir des primaires à l'automne pour choisir son candidat présidentiel. Le favori, Dominique Strauss-Kahn, tenu à un devoir de réserve à titre de directeur général du Fonds monétaire international, doit annoncer ses couleurs au plus tard en juin.

Il devance largement dans les sondages l'actuelle première secrétaire du parti, Martine Aubry, et son prédécesseur, François Hollande, qui a déjà confirmé sa participation aux primaires. Ségolène Royal, qui avait remporté l'investiture socialiste en 2007 malgré l'opposition des caciques du parti, vient loin derrière.

Les socialistes doivent aussi composer avec plusieurs candidatures provenant de l'extrême gauche et des rangs écologistes. Signe des temps, plusieurs militants ont lancé il y a quelques jours un appel public en faveur d'une candidature unique à gauche. «Sinon, nous devrons affronter le risque d'un nouveau 21 avril», préviennent-ils.