Vétéran de l'Église de scientologie, le réalisateur canadien Paul Haggis, a fait une sortie publique fracassante cette semaine. Il a accusé la «secte» d'exploiter des mineurs et de faire l'apologie de la violence. Un exposé qui jette un regard inédit sur l'organisation basée à Hollywood, rapporte notre correspondant.

Avec ses tourelles et ses fenêtres à meneau, le centre Scientology Celebrity a l'air d'un château français parachuté au milieu des palmiers d'Hollywood.

Sortez votre caméra et des gardiens viendront vous accoster. Ils ne sont pas là pour vous dire de partir, mais pour vous inviter à prendre des brochures de l'Église de scientologie.

L'Église controversée a reçu plus d'attention qu'elle ne l'aurait souhaité, cette semaine, avec la parution dans le New Yorker d'une enquête-choc sur les dessous de l'organisation. Violence, exploitation, vie princière de ses dirigeants: l'Église des vedettes est plutôt une secte sans pitié, selon les dires de ses anciens membres.

L'article est basé sur l'expérience du réalisateur canadien Paul Haggis, qui a été membre de l'Église pendant 34 ans avant de la quitter abruptement, en 2009.

«J'avais un manque total de curiosité lorsque j'étais à l'intérieur de l'Église, a dit le réalisateur au New Yorker. Je ne souhaitais pas fouiller, et j'avais peur d'y regarder de plus près.»

Fierté perverse

Haggis, qui ne parle pas aux médias depuis la sortie de l'article, a dit avoir commencé à s'intéresser à la scientologie au milieu des années 70. À l'époque, l'Église de scientologie était encore peu connue.

«Je me suis toujours identifié aux opprimés. J'avais une fierté perverse à faire partie d'un groupe que les gens essayaient d'éviter.»

Après avoir déménagé à Los Angeles, Haggis a commencé une brillante carrière. Comme scénariste, on lui doit notamment Million Dollar Baby et Crash (qu'il a également réalisé), deux films qui ont reçu l'Oscar du meilleur film en 2004 et 2005, un tour de force inédit et jamais répété depuis.

Membre prestigieux de l'Église, Haggis est devenu, avec John Travolta, Tom Cruise et Juliet Lewis, l'un des visages publics de la scientologie. Il finançait aussi l'organisation, à qui il estime avoir donné 500 000$ au fil des ans.

Haggis, aujourd'hui âgé de 57 ans, a confié avoir bénéficié de certains enseignements de l'Église. La résolution des conflits par l'écoute, de même que l'énergie positive des membres de l'organisation ont eu un impact sur sa vie et sa carrière.

En 2009, choqué par la position de l'Église contre le mariage gai en Californie, Haggis a rompu avec les scientologues. Cet été-là, il apprend que l'Église de scientologie gère des camps appelés Sea Org, où des milliers d'enfants de 12 à 18 ans étudient les préceptes de la religion. Ils y vivent coupés du monde extérieur et travaillent à temps plein pour l'Église pour 15$ dollars en moyenne par semaine.

Le FBI enquête actuellement sur l'Église, qui pourrait contrevenir aux lois sur l'exploitation et la séquestration des mineurs.

L'auteur de l'article, Lawrence Wright rapporte aussi que des actes de violence sont tolérés au plus haut niveau de l'organisation. Selon ses sources, David Miscavige, le chef des scientologue, n'hésite pas à frapper ses assistants. Il se déplace en jet privé et a deux chefs à sa disposition. Il collectionne aussi les voitures de luxe et les motos.

«J'ai été 34 ans dans une secte, a résumé Haggis. Tout le monde le voyait, sauf moi.»

Sans fondements

La publication de l'article a soulevé une vague de critiques sur l'Église de scientologie, qui cultive la publicité positive et tente de fuir les controverses.

À Hollywood, la direction de l'organisation a complètement rejeté les allégations du New Yorker. Dans une déclaration à la presse, le porte-parole Tommy Davis a dit: «Cet article périmé ne contient rien de neuf, il ne fait que reprendre des vieilles allégations sans fondements.»

Davis soutient que l'enquête du FBI a été abandonnée. Dans son article du New Yorker, Wright précise pourtant: «J'ai récemment parlé à deux sources au sein du FBI qui m'ont indiqué que l'enquête était toujours ouverte.»

Quant à Paul Haggis, il a dit s'attendre à être victime de représailles de la part de l'Église pour avoir osé salir publiquement la réputation de la «secte», comme il surnomme désormais l'organisation.

«Je parie que, d'ici deux ans, vous allez lire une histoire sur moi. Je serai impliqué dans un scandale quelconque et, au premier coup d'oeil, cela n'aura rien à voir avec l'Église de scientologie», a-t-il dit.