Ils sont venus avec leurs valises, leurs sacs, leurs dossiers écornés. Certains ont dormi à même le trottoir. D'autres sont arrivés avec l'aube, l'air déçu par l'ampleur de la foule.

Vers 9h, la file a commencé à bouger. Les milliers de propriétaires se sont mis à avancer, avec une seule idée en tête: sauver leur maison.

«Je ne sais pas s'il y a quelque chose à faire, mais on tente le tout pour le tout, a dit Sarah Gonzalez, qui attendait avec son mari. Si nous ne faisons rien, c'est la fin.»

Depuis jeudi dernier et jusqu'à dimanche, plus de 100 000 propriétaires sont attendus à Save the Dream (Sauver le rêve), une tournée organisée par Neighborhood Assistance Corporation of America (NACA). L'organisme propose d'aider les propriétaires à réduire leurs paiements mensuels, leur taux d'intérêt et parfois même leur hypothèque.

Les proprios ont souvent la même histoire à raconter: ils ont investi leurs économies dans une maison au moment où le marché immobilier américain semblait solide comme le roc. Puis le resserrement des normes de crédit a coupé l'oxygène. Les acheteurs ont disparu. La valeur des maisons a chuté.

Aujourd'hui, des millions d'Américains doivent rembourser une hypothèque jusqu'à deux fois plus importante que la valeur de leur maison. Le phénomène est si répandu que les banques doivent s'ajuster, faute de quoi elles risquent des pertes de revenus majeures.

La situation est un casse-tête pour l'administration Obama, qui a promis de s'attaquer à ce problème, sans précédent dans l'histoire américaine. En 2010, 2,9 millions de maisons ont été saisies aux États-Unis, un nombre record qui risque de grimper cette année.

Pour Jaime et Ari Estella, qui faisaient la file devant le Los Angeles Memorial Sports Arena, toute aide sera bienvenue. Ils paient 2000$ par mois pour rembourser leur hypothèque, une hausse de 500$ depuis un an. La valeur de leur maison est en chute libre, empêchant une revente.

«Cela fait des mois que nous essayons de trouver une entente avec la banque, mais les gens à qui nous parlons n'ont jamais l'autorité pour faire les changements, dit Mme Estalla. C'est frustrant.»

Mme Estalla travaille comme serveuse, alors que son mari regarnit les étagères de Big Five, grossiste en alimentation. On a diminué leurs heures durant la récession. Le revenu familial a chuté de moitié depuis 2008. Ils connaissent, disent-ils, des dizaines de personnes dans leur situation.

Bruce Mark, organisateur de la tournée Save the Dream, qui s'arrête dans plusieurs villes depuis 2008, dit que 80% des gens pourront éventuellement modifier des modalités de leur hypothèque. «C'est bien d'aider autant de gens, mais en même temps, c'est exaspérant de voir qu'une telle chose est nécessaire, a-t-il dit aux médias, hier. C'est un constat dévastateur pour l'industrie du prêt hypothécaire et pour le gouvernement, qui refuse d'aider les propriétaires.»

Arrêter les paiements

Quand, en 2007, il a acheté sa maison de trois chambres à coucher en banlieue de Los Angeles, Joe Medina a cru faire un bon placement. Les habitations de son quartier prenaient de la valeur année après année.

Quatre ans plus tard, sa maison, payée 530 000$, ne vaut plus que 285 000$.

Ses versements hypothécaires s'élevaient à 3100$ par mois. Mais, il y a deux ans, il a dû cesser de payer quand il a été licencié de son poste de camionneur. Aujourd'hui, le père de trois enfants travaille de nouveau, et il est prêt à reprendre les paiements.

«La banque aurait pu saisir la maison, mais elle ne l'a pas fait, car des millions de personnes sont dans ma situation, dit-il. Aujourd'hui, je veux parvenir à une entente compte tenu de la baisse de la valeur. Je suis prêt à tout pour garder mon toit.»

M. Medina s'est porté volontaire, jeudi, pour aider l'organisation de Save the Dream. En échange de neuf heures de bénévolat, il pourrait rencontrer un conseiller à la fin de la journée.

Joint hier matin, il disait y être retourné pour attendre une journée de plus: «Les gens sont débordés. Le volume est trop important.»