Contredit ce mois-ci par son ancien conseiller juridique, l'ancien premier ministre a encore une fois défendu sa décision de décapiter le régime de Saddam Hussein devant la commission d'enquête. Ses dernières déclarations donnent des munitions à ceux qui voudraient le voir devant un tribunal international, selon un expert interrogé par La Presse.

Tony Blair a fait un aveu hier que personne n'avait encore réussi à lui arracher. Près de huit ans après l'invasion irakienne, l'ancien premier ministre britannique a exprimé ses «profonds regrets» pour les pertes en vies humaines à sa seconde audience devant la commission d'enquête sur l'Irak.

Il y a presque un an jour pour jour, il avait refusé de se repentir à l'invitation du commissaire de l'enquête John Chilcot.

«Trop tard», se sont écriés hier des parents de soldats britanniques, assis dans la salle du centre de conférence à Londres. «Vos mensonges ont tué mon fils», s'est exclamée Rose Gentle, une mère très engagée dans le mouvement pacifique.

Ce fut le seul moment où Tony Blair, teint bronzé et chevelure presque blanche, a exprimé un semblant de contrition.

Mis au défi par des panélistes plus aguerris, il a confirmé avoir ignoré l'avis juridique de son propre procureur général, Lord Goldsmith, afin de ne pas inquiéter George W. Bush à propos de son appui.

Car c'était bien le nerf de la guerre de son audience hier: faire contrepoids aux révélations fracassantes de son ancien conseiller juridique. Lord Goldsmith a affirmé cette semaine qu'il lui avait mentionné dès le 22 octobre 2002 que l'aval des Nations unies était nécessaire avant le déploiement des troupes britanniques à Bagdad.

«Je pense qu'il n'y avait aucun doute sur mon avis là-dessus», a-t-il déclaré par écrit à la commission.

Or, Tony Blair a prétendu le contraire dans un discours à la Chambre des communes le 15 janvier 2003. «Dans certaines circonstances, une résolution des Nations unies n'est pas nécessaire pour une invasion, par exemple dans le cas d'un veto déraisonnable du conseil de sécurité des Nations unies», avait-il dit aux députés, un énoncé qui avait rendu Lord Goldsmith «inconfortable».

L'ancien premier ministre, aujourd'hui représentant du Quartet au Proche-Orient, a expliqué qu'admettre le contraire aurait été une «catastrophe politique». Il a aussi maintenu que l'avis de son procureur n'était que «provisoire» à l'époque.

Un argument que rejette l'expert en droit international, Philippe Sands. «Quel est le but d'avoir un procureur général si on ne suit pas ses conseils», ironise l'avocat de la firme Matrix Chambers, où travaille également la femme de Tony Blair, Cherie.

»Va-t-en-guerre»

À la demande de Tony Blair, une partie cruciale de sa correspondance avec Bush demeure confidentielle.

Toutefois, dans une note publiée par la commission, Tony Blair indique en avril 2002 à son chef de cabinet Jonathan Powell que la Grande-Bretagne devrait être «va-t-en-guerre» (gung ho) avec Saddam Hussein.

«Ses dernières déclarations et les documents maintenant disponibles ouvrent la porte à une enquête internationale», croit l'avocat Philippe Sands, qui s'est confié à La Presse.