Depuis le 24 avril 1989, date de l'entrée en fonction de Richard Daley à la mairie de Chicago, les villes de New York et de Los Angeles ont eu quatre maires chacune; Dallas, Seattle et Detroit en ont eu cinq et Miami, huit.

La longévité de Daley explique en partie pourquoi certains journalistes l'appellent le «roi des maires américains». Mais ce titre tient aussi à sa gestion remarquable d'une ville qui, il y a 21 ans, symbolisait le déclin urbain aux États-Unis. Aujourd'hui, elle se classe au cinquième rang des villes mondiales les plus importantes sur le plan économique, après Londres, New York, Tokyo et Singapour, selon une étude approfondie de l'Université Columbia.

Au fil de ces 21 années, la ville s'est aussi embellie sur le plan architectural et enrichie sur le plan culturel, au point d'être devenue la métropole américaine préférée de plusieurs visiteurs étrangers, devant New York et Los Angeles.

C'est en bonne partie pour cimenter la stature internationale de sa ville que le maire Daley tenait tant à accueillir les Jeux olympiques de 2016. Sa grande déception à la suite de l'élimination aussi abrupte qu'humiliante de Chicago a sans doute contribué à sa décision de ne pas solliciter un septième mandat.

Ce choix, qui a pris tout le monde de court au mois de septembre, place aujourd'hui les citoyens de la Ville des vents devant une question qui donne le vertige à plusieurs d'entre eux: qui succédera au «roi des maires américains»?

Rahm Emanuel éligible?

«J'aurais préféré que le maire Daley reste à son poste, dit Jennifer Meade, enseignante de 38 ans. Sans lui, Chicago serait devenu un autre Detroit.»

Les citoyens de Chicago devront donc élire un nouveau maire le 22 février. Parmi les 20 candidats, l'ancien chef de cabinet de la Maison-Blanche, Rahm Emanuel, fait figure de favori, mais sa victoire est loin d'être acquise en raison des démarches entreprises pour le déclarer inéligible.

Selon la loi électorale de Chicago, les candidats à la mairie doivent avoir été résidants de la ville durant l'année qui précède l'élection. Or, Rahm Emanuel a vécu avec sa famille à Washington pendant la majeure partie de 2010, ont rappelé un groupe de citoyens et un avocat dans des requêtes distinctes qui contestent l'éligibilité d'Emanuel.

Bien qu'il dise agir en son nom propre, l'avocat en question est également associé à la campagne de l'un des principaux adversaires d'Emanuel, James Meeks, qui siège au Sénat de l'Illinois. Sa cause et celle du groupe de citoyens pourraient se rendre jusqu'à la Cour suprême de l'Illinois et nuire considérablement à la campagne du favori.

Rahm Emanuel défend son éligibilité en faisant notamment valoir qu'il est propriétaire d'une maison à Chicago, qu'il paie des impôts fonciers et vote dans la ville. Le hic, c'est que, depuis deux ans, sa maison est louée à un homme d'affaires qui a refusé de résilier son bail pour permettre à Emanuel de rentrer chez lui.

Non seulement cet homme d'affaires a-t-il forcé son propriétaire à louer un appartement à Chicago, mais il a lui-même déclaré sa candidature à la mairie de Chicago et a récolté un nombre suffisant de signatures pour être éligible. Il n'est pas le seul candidat plus ou moins sérieux. Il faut ranger dans cette catégorie Carol Moseley Braun, ancienne sénatrice et candidate présidentielle, et Roland Burris, qui avait été choisi par l'ex-gouverneur de l'Illinois Rod Blagojevich pour occuper le siège laissé vacant par Barack Obama au Sénat des États-Unis.

Autres aspirants

Outre James Meeks, Gery Chico, ex-responsable des écoles publiques de Chicago, est considéré comme l'un des aspirants les plus sérieux à la mairie.

Malgré les réalisations de Richard Daley, son successeur fera face à une situation difficile. Il devra notamment combler un trou budgétaire de 655 millions de dollars et endiguer une pauvreté et une criminalité persistantes dans certains quartiers de la ville.

Ce successeur devra également poursuivre les réformes scolaires de Daley, qui a été le premier maire américain à demander et à obtenir la gestion des écoles publiques de sa ville.

Emanuel, qui a représenté Chicago à la Chambre des représentants après avoir été conseiller de Bill Clinton et fait fortune dans la finance, présentera son programme au cours des prochaines semaines à l'occasion de trois grands discours.