Un an après avoir choqué l'Europe en approuvant une loi interdisant la construction de nouveaux minarets sur leur territoire, les Suisses viennent d'entériner une nouvelle proposition de la droite populiste susceptible d'irriter Bruxelles.

Ainsi, 53% de la population a voté en faveur d'un durcissement législatif qui rendrait automatique l'expulsion d'étrangers condamnés pour toute une série de délits allant de l'homicide à l'abus des prestations sociales.

Selon l'Union démocratique du centre (UDC), qui se félicite du résultat, le nombre annuel d'expulsions sera multiplié par quatre ou cinq.

Le hic, relèvent plusieurs analystes, est qu'un renvoi automatique de ce type contrevient à la Convention européenne des droits de l'homme et aux dispositions de l'accord de libre circulation que la Suisse a conclu avec l'Union européenne, lesquelles prévoient que les renvois doivent être réalisés au cas par cas en considérant la proportionnalité de la mesure par rapport au délit commis.

Poussée «xénophobe»

Avant la consultation, la présidente de la Confédération helvétique, Micheline Calma-Rey, avait déclaré qu'une évaluation «au cas par cas» était requise «pour satisfaire aux prescriptions de l'accord sur la libre circulation».

Le gouvernement, en vue notamment d'éviter cet écueil, avait mis de l'avant une «contre-proposition» plus modérée, mais elle a été rejetée par la population, très sensible aux arguments sécuritaires de la droite populiste.

Hier, la Commission européenne a indiqué qu'elle «prenait acte» du scrutin et qu'elle étudierait attentivement la façon de mettre en oeuvre son résultat.

«Nous restons confiants dans le fait que la Suisse respectera les accords qu'elle a signés», a indiqué la porte-parole de l'organisation, Pia Ahrenkilde Hansen.

D'une manière plus générale, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, s'est inquiété dimanche de la montée du populisme: «Il y a aujourd'hui en Europe une poussée populiste des extrêmes qui est très sérieuse et qui m'inquiète. Je vois des sociétés qui ont une grande tradition d'ouverture et de démocratie où monte une poussée nationaliste, chauvine, xénophobe, parfois même d'un populisme très agressif.»

Assurances réclamées

La ministre de la Justice suisse, Simonetta Sommaruga, devrait être contrainte dès jeudi de donner des assurances aux autorités européennes lors d'un sommet prévu avec ses homologues à Bruxelles.

Selon le quotidien Le Temps, il sera «très difficile» pour le gouvernement de «défier» la volonté populaire en continuant de prôner des solutions «qui reviendraient à faire primer» le contre-projet battu durant la fin de semaine.

L'UDC fait peu de cas des réserves avancées par les dirigeants suisses et européens quant à la faisabilité juridique de l'expulsion automatique.

«La France et d'autres pays européens ne se privent pas d'expulser des personnes qui ne leur conviennent pas. Ça génère des discussions, mais les choses finissent par s'arranger», note Philippe Stauber, délégué du parti pour la ville de Lausanne, interrogé par La Presse.

Il fait par ailleurs peu de cas de l'impact du vote sur l'image du pays à l'étranger. «Quelques politiciens vont s'offusquer, dit-il. Mais la majorité de la population de leurs pays est en accord avec la population suisse.»