L'organisation WikiLeaks a entrepris la diffusion de plus d'un quart de million de communications confidentielles entre le gouvernement américain et ses ambassades partout dans le monde, dimanche, ce qui a déclenché une crise diplomatique majeure pour Washington.

Les câbles, dont plus de 15 000 sont classés secrets, lèvent le voile sur plusieurs dossiers sensibles pour les États-Unis. On y apprend que le gouvernement américain considère que la démocratie «a disparu» en Russie, et que l'Arabie Saoudite a fait pression auprès de Washington pour que les Américains bombardent l'Iran, ce que la Maison-Blanche a refusé de faire.

Les documents révèlent aussi que les officiels américains à l'Organisation des Nations unies (ONU) sont encouragés à espionner leurs homologues de différents pays, dont ceux qui sont en poste au Conseil de sécurité.

Les câbles font état des inquiétudes du gouvernement américain sur la Russie et ses services de renseignements, qui «travaillent avec la mafia» pour mener des opérations criminelles. Un des mémos souligne que la Russie est «en réalité devenue un État mafieux».

Le gouvernement américain croit aussi que l'Iran a en sa possession des missiles en provenance de la Corée du Nord, et qui seraient capables d'atteindre Moscou ou d'autres villes européennes en quelques heures.

Neuf dixième des mémos dévoilés couvrent la période allant de 2004 à mars 2010. En tout, 2411 câbles ont été envoyés en provenance du Canada, et 134 proviennent de Montréal et de Québec. Ces mémos canadiens ne font pas partie de la première vague de documents dévoilés dimanche. Ils doivent être rendus publics dans les prochains jours.

Washington dénonce la fuite

La diffusion de ces renseignements secrets a été vivement critiquée par Washington, dimanche. «De par leur nature, les câbles envoyés à Washington sont directs et souvent incomplets. Ils ne représentent pas notre politique étrangère et n'influencent pas toujours les décisions finales.»

Toutefois, les documents font du tort aux États-Unis, a dit la Maison-Blanche, en ce qu'ils pourraient «compromettre des discussions privées avec des gouvernements étrangers. Ils mettent à risque nos diplomates, nos services de renseignements et les gens qui travaillent avec les États-Unis pour promouvoir la démocratie et les gouvernements transparents».

Les câbles qu'a reçus l'organisation WikiLeaks ont été transmis à cinq journaux, dont le New York Times, Le Monde (France), The Guardian (Grande-Bretagne), El Pais (Espagne) et Der Spiegel (Allemagne). Au total, plus de 120 journalistes ont travaillé sur ce dossier.

TROIS EXTRAITS

La démocratie russe a disparu

En février 2010, le secrétaire à la Défense des États-Unis, Robert Gates, a rencontré le ministre de la Défense français, Hervé Morin, afin de le convaincre de renoncer à vendre un navire militaire amphibie à la Russie. «SecDef (Gates) a fait valoir que la démocratie russe a disparu et que le gouvernement est une oligarchie dirigée par les services de sécurité», lit-on dans un câble portant sur la rencontre. Le ministre Morin a refusé de stopper la vente.

Batman et Robin

Les câbles envoyés à Washington décrivent en termes crus la personnalité des dirigeants de différents pays. Ainsi, un mémo envoyé par l'ambassade américaine à Moscou, à la fin de 2008, note que c'est toujours le premier ministre Vladimir Poutine qui détient le pouvoir. Le président Medvedev «est comme Robin aux côtés de Batman, joué par Poutine», note l'ambassade. À une autre occasion, Poutine est comparé à un «chien de meute». Quant au premier ministre italien, Silvio Berlusconi, il est «irresponsable, imbu de lui-même et inefficace en tant que dirigeant européen moderne». Il est aussi «faible physiquement et politiquement». Le président français Nicolas Sarkozy est «un empereur nu», «susceptible et autoritaire», alors que son homologue allemande, Angela Merkel, «évite souvent le risque et fait rarement preuve d'imagination». Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad est appelé «Hitler».

Espions à l'ONU

Selon un câble analysé par Le Monde, les officiels américains à l'ONU ont pour ordre de recueillir beaucoup de renseignements sur leurs homologues, y compris les numéros de leurs cartes de crédit et leurs empreintes digitales. «Les rapports doivent inclure les informations suivantes, précise la directive: noms, titres et autres informations contenues sur les cartes de visite; numéros de téléphone fixes, cellulaires, de pagettes et de fax; annuaires téléphoniques et listes de courriels; mots de passe internet et intranet; numéros de cartes de crédit; numéros de cartes de fidélité de compagnies aériennes; horaires de travail...» Les diplomates américains à l'ONU sont aussi encouragés à transmettre «toute information biographique et biométrique» sur leurs collègues des pays du Conseil de sécurité, y compris «les empreintes digitales, photographies faciales, ADN et scanneurs de l'iris», note Le Monde

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