Quand le président Obama a annoncé son intention de garder ses troupes en Afghanistan au minimum jusqu'à la fin de 2014, la semaine dernière, il s'est produit une réaction étrange aux États-Unis. La nouvelle est pratiquement passée inaperçue.

Mine de rien, le président venait de repousser de plus de trois ans le début du retrait des brigades de combat, qu'il avait auparavant établi à l'été 2011.

Un scénario qui n'a pas surpris Mike Ferner. «Les gens veulent voir en Obama un homme de paix. Mais il a un empire à diriger, maintenant. Il ne s'en cache pas: il veut augmenter la présence américaine en Afghanistan.»

Président de l'organisation nationale Veterans for Peace, M. Ferner le dit d'emblée: il milite pour le retrait des troupes d'Afghanistan, où la présence américaine fait plus de tort que de bien, selon lui. En décembre, ses membres et lui iront manifester devant la Maison-Blanche. Plusieurs sont prêts à être arrêtés ce jour-là pour faire valoir leur opposition à la guerre.

«La guerre en Afghanistan ne fait plus les manchettes, mais le conflit n'en est pas moins violent, absurde et non éthique pour autant. Surtout que la population de l'Afghanistan ne représente pas une menace pour les États-Unis, pas plus qu'elle ne représentait une menace pour l'URSS à l'époque.»

La guerre des États-Unis et de leurs alliés en Afghanistan dure désormais depuis neuf ans et cinquante jours, la durée exacte de la guerre de l'URSS dans ce pays durant les années 80.

Barrières culturelles, corruption des dirigeants locaux, méfiance de la population, ennemis bien financés... Les obstacles qui ont miné l'avancée des Soviétiques à l'époque sont également ceux qui menacent des efforts des Américains et de leur coalition.

Un scénario qui n'augure rien de bon pour les États-Unis, selon Hannah Gurman, professeure associée à l'Université de New York et auteure d'un livre à paraître sur l'histoire des contre-insurrections dans la politique étrangère américaine.

«Les États-Unis doivent accomplir une tâche surhumaine: réformer les moeurs politiques qui résistent aux changements, et convaincre les Afghans d'appuyer un gouvernement qui ne s'intéresse pas vraiment au sort de sa population», explique-t-elle.

Rapport pessimiste

Cette semaine, la rhétorique avancée par le président Obama sur le progrès enregistré en Afghanistan a été contrecarrée par un rapport pessimiste du Pentagone.

Dans son rapport semi-annuel remis au Congrès, le Pentagone signale que les capacités opérationnelles des talibans «ont augmenté sur le plan qualitatif et géographique» en raison d'un financement abondant. L'incapacité du gouvernement afghan à connecter avec la population «contribue au soutien populaire accordé au soulèvement armé mené par les talibans».

Aux États-Unis, l'appui pour la guerre est à son niveau le plus bas: un sondage réalisé cette semaine par la Quinnipiac University montre que 50% des Américains veulent mettre fin à la présence américaine en Afghanistan, alors que 44% l'approuvent.

Plus tôt ce mois-ci, le grand parton des forces armées britanniques, le général sir David Richards, a laissé entendre qu'une victoire militaire contre les extrémistes musulmans «est impossible», et a dit entrevoir le besoin de garder des troupes en Afghanistan «pendant encore 30 ou 40 ans». En octobre, l'ex-président de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev a dit que la guerre en Afghanistan est «impossible à gagner» et que l'OTAN devait retirer ses troupes pour «éviter un nouveau Vietnam».

400 bases

Pour Hannah Gurman, la présence des troupes dirigées par les Américains en Afghanistan devra se poursuivre bien au-delà de 2014. La relative indifférence du public américain - et le fait que la guerre est menée par des soldats professionnels, et non conscrits comme durant la guerre au Vietnam - signifie que la guerre peut durer encore longtemps.

«Les médias s'intéressent davantage au message (spin) des politiciens sur la guerre qu'aux événements qui se produisent sur le terrain, explique-t-elle. Par exemple, tout le monde parle maintenant du retrait en 2014. Or, Obama a clairement dit à Lisbonne que cette date était conditionnelle à la capacité des Afghans d'assurer leur propre sécurité.»

Mme Gurman note que la rencontre de Lisbonne plus tôt ce mois-ci était selon elle un exercice de relations publiques visant à démonter la solidarité entre les puissances occidentales.

«Les États-Unis ont construit 400 bases en Afghanistan, note-t-elle. Pourquoi construire toutes ces bases s'ils prévoyaient vraiment partir bientôt?»