Qui peut remplacer Arnold Schwarzenegger, le gouverneur au cigare entre les dents, la star avec qui les chefs d'État de la planète se font prendre en photo comme des fans à la sortie d'un studio?

Schwarzenegger a donné une dose de glamour au poste de gouverneur de la Californie. Le 2 novembre, les électeurs choisiront son successeur: le démocrate Jerry Brown ou la républicaine Meg Whitman.

Le vainqueur héritera de la huitième économie mondiale, un État de 37 millions d'habitants qualifié «d'ingouvernable» par The Economist. Un État dont les finances sont jugées les pires aux États-Unis, et dont le taux de chômage de 12,4% le place en 47e position au palmarès des États américains.

La Californie a toujours fait rêver, mais ces jour-ci, elle tente surtout de payer le loyer.

«Je ne sais pas qui va gagner, mais j'espère qu'il ou elle sera capable de faire repartir l'économie», dit Marco Shella, père de famille qui travaille dans la construction à Los Angeles, et dont le salaire a chuté de 50% depuis 2006.

«Présentement, je paie mon loyer et mes factures avec ma carte de crédit. Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir.»

Bouddhisme et capitalisme

Jerry Brown est un politicien de carrière adepte de bouddhisme zen. Fils de l'ancien gouverneur Pat Brown, il a lui-même été gouverneur de 1975 à 1983, avant d'être maire de la ville d'Oakland. Il est l'actuel procureur général de l'État.

À 72 ans, celui qui a été le plus jeune gouverneur de la Californie pourrait en devenir le plus vieux. Souvent accusé de manquer de fougue, Brown aime plutôt se décrire comme un pragmatique, un homme fier de sa frugalité.

«Je veux régler les problèmes de l'État, a-t-il dit récemment. Je peux le faire. Je connais le gouvernement. Ce n'est pas comme une entreprise privée. Il faut connaître l'art du compromis.»

Femme d'affaires célèbre qui a propulsé la croissance d'eBay, Meg Whitman ne s'intéresse à la politique que depuis peu: elle a admis n'avoir pratiquement jamais voté de sa vie. Whitman finance sa campagne à même sa fortune personnelle, évaluée à plus d'un milliard de dollars.

«J'ai dirigé des organisations importantes, je sais ce qu'il faut pour créer des conditions favorables aux entreprises, a dit Mme Whitman. Ce sera un contraste clair entre un politicien de carrière et une personne qui connaît l'entreprise privée, qui est à l'aise avec la technologie.»

Il y a deux semaines, la gouvernante de longue date de Meg Whitman a avoué être dans le pays illégalement, un détail que sa patronne connaissait, a-t-elle dit. La domestique dit avoir été mise à la porte après neuf années de travail, en 2009, quelques semaines avant que Whitman ne fasse le saut en politique.

La nouvelle a touché un nerf: Mme Whitman, qui est opposée à la naturalisation des immigrants illégaux, parle régulièrement d'augmenter les pénalités imposées aux employeurs qui les embauchent.

Dans un sondage en ligne de La Opinion, le plus grand quotidien de langue espagnol aux États-Unis, trois répondants sur quatre ont dit que l'histoire de la gouvernante nuit à l'image de Meg Whitman auprès des Latinos.

Vie privée

Dans une année où l'économie pique du nez, Mme Whitman devrait avoir un avantage. Durant plusieurs mois, elle était la favorite dans les sondages. Or, une moyenne des derniers sondages compilés par Real Clear Politics montre que Jerry Brown est en avance de six points.

Bruce Cain, politologue à l'Université de Californie, Berkeley, n'est pas surpris par ce changement.

«Les millionnaires qui se lancent en politique font souvent une entrée fracassante, pour ensuite traverser une période trouble, dit-il. La vie privée des gens devient publique, avec les risques que cela comporte.»

Pour Marco Shella, l'histoire de la gouvernante a été déterminante. «Je songeais à voter pour elle, mais cette histoire m'a refroidi. Vous ne pouvez pas dire une chose et en faire une autre dans votre vie privée», dit-il.

La campagne de Brown n'est pas à l'abri des gaffes: en septembre, le candidat a mal raccroché le téléphone après avoir laissé un message à un groupe qu'il courtisait. Dans la boîte vocale, on entend la conversation du «war room» de Brown. Un aide traite Mme Whitman de «pute», et Brown ne le corrige pas. L'enregistrement a été rendu public hier, et le candidat a présenté ses excuses.

Jusqu'ici, Meg Whitman a dépensé 140 millions de dollars dans la course, contre 11 millions à peine pour son rival Jerry Brown. Brown a 23 millions à dépenser pour les dernières semaines de la campagne, contre 11 millions pour Whitman.

Pour Bruce Cain, Brown a fait preuve de maturité en choisissant de lancer sa campagne médiatique cet automne. «Meg Whitman fait passer des publicités depuis le début de l'année, mais Brown n'a pas paniqué. Il mène une campagne très disciplinée.»

Les jeux sont loin d'être faits, ajoute-t-il. «Le fait que Mme Whitman tire de l'arrière après avoir dépensé autant d'argent est en soi un signal décevant pour les républicains. Elle ne devait pas se retrouver dans cette position.»