Le ministre «de gauche» avait présenté sa démission au mois d'août, rapportent des médias français. Il ne survivra pas au prochain remaniement de Nicolas Sarkozy, explique notre collaborateur.

Bernard Kouchner n'a pas trouvé beaucoup d'oreilles compatissantes au sein de la classe politique - à droite comme à gauche.

Depuis mercredi, on sait par le Nouvel Observateur que le ministre des Affaires étrangères, transfuge de la gauche en mai 2007, avait présenté sa démission au président Sarkozy le 25 août dernier.

Dans une lettre manuscrite, il aurait invoqué son désaccord avec le «virage sécuritaire» du gouvernement Fillon, notamment contre les Roms, mais aussi les «humiliations» infligées par deux conseillers de l'Élysée, qui empiètent allègrement sur son domaine.

L'intéressé a implicitement confirmé en réaffirmant par communiqué sa «loyauté» à Nicolas Sarkozy.

«C'est bien qu'il ait songé à démissionner, a ironisé la députée socialiste Aurélie Filipetti, mais c'est curieux qu'il y songe seulement aujourd'hui.»

À droite, le député de Paris, Claude Gloasguen, ajoute son grain de sel: «Il aurait dû savoir avant d'accepter que les Affaires étrangères font partie du domaine réservé du président de la République.»

Un messager du président

En d'autres circonstances, l'offre de démission de Kouchner aurait pu provoquer plus de respect ou de sympathie.

Mais, c'est une quasi-certitude pour les milieux politiques, l'ancien «French Doctor» - 71 ans le 1er novembre - ne survivra pas au remaniement ministériel annoncé pour les prochaines semaines. Alain Juppé est donné favori pour le Quai d'Orsay - à moins que la ministre de l'Économie Christine Lagarde n'en hérite dans un jeu de chaises musicales.

Le fondateur de Médecins sans frontières, inventeur de l'«ingérence humanitaire», devenu ministre de Mitterrand et demeuré l'un des hommes de gauche les plus populaires, avait été la plus belle «prise de guerre» de Sarkozy en mai 2007 au nom de l'«ouverture à gauche».

La plupart avaient considéré, non sans raison, que le flamboyant défenseur des droits humains n'avait tout simplement pas pu résister à 67 ans à l'attrait de ce Quai d'Orsay qu'il convoitait depuis toujours. «Pour finir sur une carrière, il a abîmé l'oeuvre d'une vie», constate son ancien ami, le socialiste Pierre Moscovici.

De fait, sauf exception, on ne voit pas en quoi il aurait véritablement infléchi la politique étrangère du pays, notamment dans le sens des droits humains. De manière générale, il aura été, comme beaucoup de ministres des Affaires étrangères avant lui, un messager du président ou un exécutant de sa politique.

Impairs diplomatiques

Le bénéfice qu'avait tiré Sarkozy de cet important ralliement avait fini par s'épuiser. Bernard Kouchner lui-même, de nature impétueuse, avait commis quelques impairs diplomatiques, et pris quelques initiatives imprudentes.

D'ailleurs, il est vrai que le secrétaire général de l'Élysée, Claude Guéant, et le conseiller aux affaires étrangères, Jean-David Levitte, avaient fini par empiéter de plus en plus sur ses attributions dans les dossiers les plus sensibles. De l'avis général, il venait en tête dans la liste des victimes du prochain remaniement.

Dans sa lettre du 25 août, Bernard Kouchner aurait d'ailleurs remercié le président de lui avoir offert en guise de prix de consolation le futur poste de Défenseur des droits, sorte de super ombudsman pour la France. Une offre tout de même assez modeste pour un homme qui se serait vu secrétaire général de l'ONU ou, à tout le moins, «proconsul» des Nations unies en Afghanistan.

Démissionnera ou pas- avant d'être démissionné ? Même si le geste ne tromperait personne, ce serait une façon de sauver la face et d'avoir l'air de «tomber à gauche». Mais de là à dire que le Parti socialiste est prêt à lui ouvrir les bras...