Mon premier est un rentier qui se dit blanc comme neige, mon second est un pauvre ouvrier qui reconnaît avoir tué et mon troisième est un exotique aristocrate qui voit le premier comme un fils mais soutient le second.

Mon tout est un singulier trio qui doit répondre ces jours-ci devant la justice française de la mort de Bernadette Bissonnet, une pharmacienne fauchée par balle en mars 2008 dans le sud de la France.

La riche femme de 58 ans, qui vivait dans une luxueuse villa de Castelnau-sur-Lez, en banlieue de Montpellier, a été retrouvée gisant dans son sang par son mari, Jean-Michel Bissonnet.

Rapidement, cet ancien homme d'affaires oriente les soupçons des gendarmes vers Meziane Belkacem, un ouvrier qui venait réaliser de menus travaux à la propriété depuis plusieurs années. Le mari de la victime affirme que l'employé d'origine modeste aurait décidé de se venger après s'être vu refuser un prêt de 5000 euros.

La version semble crédible dans un premier temps pour les enquêteurs, qui trouvent des traces d'ADN concordantes.

M. Belkacem, aujourd'hui âgé de 51 ans, reconnaît rapidement qu'il a tué Bernadette Bissonnet mais donne une tout autre portée à l'affaire en affirmant que c'est le mari de la victime qui voulait s'en débarrasser. Et qu'il lui a offert, pour se charger de l'assassinat, une somme de 30 000 euros.

»Tout allait bien entre nous»

L'employé relate qu'il est venu en début de soirée, à une heure où il était convenu que Jean-Michel Bissonnet serait absent, qu'il a tiré avec un fusil à canon scié et qu'il est ensuite reparti dans le 4x4 familial pour suggérer un vol.

Il affirme avoir abandonné un peu plus loin le véhicule et l'arme, caché dans un étui de raquette de tennis, à l'attention d'un proche de son employeur, le vicomte Amaury d'Harcourt. Ce dernier reconnaîtra ensuite avoir jeté le fusil dans un cours d'eau voisin.

En quelques semaines, l'accumulation d'informations contredisant la version de Jean-Michel Bissonnet mène à son arrestation et à sa détention préventive.

L'homme de 61 ans, qui se dit innocent, est aujourd'hui accusé de complicité d'assassinat avec ses deux présumés complices.

À l'ouverture du procès en cour d'assises en début de semaine, il a réitéré que sa femme était «merveilleuse» et qu'il n'avait conséquemment aucune raison de vouloir la tuer.

«Tout allait bien entre nous, on n'a jamais eu le moindre problème», a assuré Jean-Michel Bissonnet, qui a fait fortune dans le secteur immobilier. Il affirme que l'ouvrier et l'aristocrate, en manque d'argent, ont comploté entre eux pour éliminer sa conjointe.

Une femme d'affaires qui témoignait hier a indiqué qu'elle avait été témoin d'une querelle en mars 2007 au sein du couple qui portait sur la fréquentation du vicomte d'Harcourt, âgé de 85 ans. Laurence Lacroix a assuré que Mme Bissonnet voyait le noble comme un homme «manipulateur» et «dangereux» que son mari devait éviter, notamment parce qu'il réclamait de l'argent.

Faux témoignage

Le vicomte, qui a connu une vie mouvementée ponctuée par de longs séjours en Afrique et une multitude de liaisons amoureuses, affirme de son côté que le couple ne s'entendait plus. Et que Jean-Michel Bissonnet - qu'il présente comme «le fils qu'il n'a jamais eu» - pensait depuis plusieurs années à la faire assassiner. Notamment parce qu'il avait peur de perdre leur luxueuse villa en cas de divorce.

L'affaire, déjà riche en rebondissements, a pris une tournure imprévue hier. L'avocat général a présenté à la cour des documents suggérant que le mari de la victime avait cherché, en prison, à convaincre un autre détenu de faire un faux témoignage.

Selon le quotidien Le Monde, le détenu en question devait affirmer aux autorités qu'il avait été pressenti par l'aristocrate pour «un contrat d'assassinat sur la tête de Bernadette Bissonnet».

Après une longue pause, Jean-Michel Bissonnet a déclaré qu'il «assumait la responsabilité» des documents mis au jour. Avant de jurer à ses fils présents dans la salle d'audience qu'il n'avait «jamais, jamais voulu la mort de maman.»

Ses avocats, outrés par les allégations de subornation de témoin, ont annoncé dans la foulée qu'ils ne voulaient plus le représenter, forçant le report du procès. Il ne devrait reprendre qu'en janvier prochain.