L'époque où Ed Miliband était désigné comme «l'autre Miliband» est révolue. Le politicien de 40 ans est sorti de l'ombre de son frère aîné David Miliband une fois pour toutes samedi en étant élu chef du Parti travailliste à Manchester.

Le suspense sur le Miliband gagnant a duré jusqu'au quatrième et dernier tour de l'élection, lorsque le cadet est arrivé en tête avec une majorité de seulement 1,3%.

Ed Miliband reprend ainsi le flambeau de Gordon Brown, son ancien mentor, qui s'est fait hara-kiri après la défaite des travaillistes aux élections de mai.

À l'annonce de sa victoire, l'ancien ministre de l'Énergie a longuement serré son frère dans ses bras devant l'assemblée à la conférence annuelle du Labour. Bon perdant, David Miliband, qui était grand favori de la course jusqu'à il y a deux semaines, l'a félicité avec plusieurs tapes affectueuses.

Leur duel pour la tête du parti avait enflammé la presse britannique et éclipsé les trois autres candidats dans la course.

Les premières paroles du nouveau chef travailliste ont été pour son frère. «David, je t'aime tellement, a dit Ed Miliband. J'ai un respect extraordinaire pour la campagne que tu as menée ainsi que pour ta force et ton éloquence. Nous savons tous combien tu peux offrir à ce pays.»

«Ed le rouge»?

Plus à gauche et moins expérimenté que son aîné, Ed Miliband a triomphé grâce à l'appui des grands syndicats, dont les membres comptaient pour un tiers des voix.

Il a été le candidat le plus virulent contre les coupes prévues par le gouvernement de David Cameron dans les programmes sociaux, privilégiant une hausse des impôts, ce qui lui avait valu le surnom de «Ed le rouge».

Ed Miliband a insisté sur le fait qu'il ne serait pas à la botte des tout-puissants syndicats. «Je suis ma propre personne, a-t-il déclaré à la BBC hier. Je ne veux pas tirer le parti vers la gauche. Je veux représenter les familles de la classe moyenne, les parents qui travaillent fort pour trop peu d'argent et qui n'ont pas le temps de voir leurs enfants.»

Recentrer son discours

Selon les analystes, le successeur de Gordon Brown doit repositionner la «nouvelle génération» de travaillistes dans le centre de l'échiquier politique. Les déboires des libéraux-démocrates, désorientés par leur coalition avec les conservateurs de David Cameron, offrent une occasion en or, croit le politologue David Jarvis.

«Je ne vois pas comment les libéraux-démocrates pourraient rétablir leur crédibilité auprès des électeurs, dit le professeur de l'Université de Cambridge à La Presse. Et les récriminations contre les conservateurs vont suivre dès que les sacrifices pour réduire le déficit se feront sentir.»

Encore faut-il qu'Ed Miliband prouve qu'il est du même calibre que le premier ministre David Cameron, toujours en lune de miel avec les Britanniques. Orateur moins habile, le novice devra galvaniser les familles à faible revenu, premières victimes du plan d'austérité.

Son premier test ne tardera pas. Le 20 octobre, la coalition de Cameron annoncera en détail ses coupes dans les dépenses publiques.

D'ici là, le nouveau patron des travaillistes aura un défi de taille: convaincre son frère de travailler pour lui. David Miliband, dépité par sa défaite, dit réfléchir à son avenir politique.