Malgré quelques manoeuvres de dernière minute pour écarter toute accusation de discrimination, le gouvernement français pourrait se voir contraint de défendre la légalité de sa politique répressive envers les Roms devant les tribunaux.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont annoncé qu'elles souhaitaient saisir la justice après la divulgation récente du contenu d'une circulaire du ministère de l'Intérieur datée du 5 août qui cible tout particulièrement cette communauté marginalisée.

Le document, émanant du chef de cabinet du ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, précise que les préfets de chaque département doivent «engager (...) une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux des Roms» et insiste sur la nécessité de reconduites à la frontière.

Les préfets de zone, peut-on lire, doivent s'assurer dans leur territoire de compétence de la réalisation «minimale d'une opération importante par semaine (évacuation, démantèlement, reconduite) concernant prioritairement les Roms».

Tant SOS Racisme que le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gitsi) s'indignent du contenu de la circulaire, arguant que la référence explicite à une communauté ethnique est contraire aux lois nationales, européennes et internationales.

«Vous imaginez une circulaire nommant expressément les juifs ou les arabes?» a dénoncé à la radio le président du Gitsi, Stéphane Maugendre, qui entend saisir le Conseil d'État de l'affaire.

«Immorale et illégale»

L'ex-premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, juge la circulaire «immorale» parce qu'elle stigmatise une communauté particulière et «illégale» parce qu'elle contrevient, selon lui, aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme interdisant la discrimination.

La semaine dernière, le ministre de l'Immigration, Éric Besson, avait assuré que la France n'avait pris «aucune mesure spécifique» à l'encontre des Roms.

Embarrassé, il a déclaré hier qu'il n'était pas au courant de l'existence de la circulaire et qu'il n'avait pas à l'être puisqu'elle était adressée aux préfets. Il a précisé qu'une précédente directive, ne faisant pas directement référence aux Roms, servait de base à son action.

Le secrétaire général du parti de la majorité, Xavier Bertrand, plus offensif, a déclaré que le gouvernement assumait «tout à fait» sa politique d'évacuation des camps illégaux et n'avait que faire de «l'hypocrisie» du Parti socialiste et des «associations de bien-pensants».

Dans l'espoir de couper court à la polémique, le ministre de l'Intérieur a annoncé en fin d'après-midi qu'il avait publié dans la journée une nouvelle circulaire afin de «lever tout malentendu sur une éventuelle stigmatisation des Roms».

Brice Hortefeux y presse les préfets de poursuivre les expulsions de camps illicites «quels qu'en soient les occupants», la référence aux Roms ayant été retirée.

Nouvelles critiques de l'ONU

Le gouvernement s'expose, quoi qu'il en soit, à des pressions accrues à l'échelle européenne.

La Commission européenne, qui avait demandé des précisions au cours des dernières semaines sur l'approche française afin de statuer sur sa légalité, a fait savoir hier qu'elle étudiait le contenu de la circulaire du 5 août.

Un porte-parole de la commissaire à la Justice, Viviane Reading, a déclaré que le document avait été obtenu «sur l'internet», suggérant du même coup que Paris avait omis d'en remettre copie aux instances européennes.

La semaine dernière, le Parlement européen avait voté par une confortable majorité une résolution condamnant les expulsions de Roms comme étant une «discrimination fondée sur la race et l'appartenance ethnique» et une violation du droit de libre circulation des citoyens de l'Union européenne.

Hier, la haute-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a critiqué à son tour l'approche française en relevant qu'elle «ne peut qu'exacerber la stigmatisation des Roms et l'extrême pauvreté dans laquelle ils vivent».