La journée de grève d'hier, qui a vu plus d'un million de Français descendre dans la rue, marque-t-elle le «tournant» espéré par les syndicats pour faire plier le gouvernement sur la réforme des retraites?

Les avis étaient partagés de prévisible façon à l'issue des manifestations, tenues alors que débutait l'examen du projet de loi controversé à l'Assemblée nationale.

Les syndicats ont assuré en fin de journée qu'il s'agissait de «la plus grosse mobilisation des dernières années», un résultat que le gouvernement n'aurait pas le choix de prendre en compte.

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Le premier ministre François Fillon a répété de son côté que le report de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, point central de la réforme, demeurait «raisonnable» et «incontournable».

Dans la rue, la colère était plus qu'évidente parmi les manifestants qui ont convergé place de la République, à Paris, en milieu d'après-midi.

«Les gens au gouvernement se fichent de ce qu'on pense. Pour eux, c'est la belle vie», a déclaré Norbert, croisé au milieu d'une mer orangée de ballons et de drapeaux.

Cet employé du secteur pharmaceutique s'était muni d'une pancarte plus qu'explicite montrant une main faisant un doigt d'honneur sous le message «Ceux qui vont mourir au travail te saluent».

Journée «morte»

Pierre Desobeau se promenait pour sa part avec une représentation cartonnée de la Mort devant symboliser l'impact de «Sarkozy le réformateur».

«À travers la réforme, c'est toute la protection sociale que l'on veut anéantir... Le gouvernement s'attaque essentiellement aux petits travailleurs», juge ce fonctionnaire de 57 ans, confiant de voir plier la droite.

Bien qu'elle soit beaucoup plus sceptique sur leurs chances de réussite, Gisèle Guiller a aussi tenu à se joindre aux manifestants.

«Ma génération s'est toujours battue. Il semble qu'on est parti pour un autre tour», a souligné la femme de 64 ans, ex-employée de France Télécom qui juge la réforme proposée profondément «injuste».

Tandis que le métro fonctionnait presque normalement à Paris, les transports ferroviaires régionaux et nationaux étaient fortement perturbés, tout comme les aéroports.

Le secteur de l'éducation, déjà touché par un premier mouvement de grève lundi, tournait au ralenti. Les services juridiques étaient aussi réduits, les syndicats de magistrats ayant appelé à une journée «morte».

Les syndicats concentrent le tir sur l'âge légal de départ à la retraite, que le gouvernement souhaite repousser graduellement de 60 à 62 ans d'ici à 2018. À l'heure actuelle, l'âge moyen de la retraite en France, légèrement sous la barre des 60 ans, est parmi les plus bas en Europe.

Sarkozy ira «jusqu'au bout»

Les syndicats peuvent compter sur l'appui du Parti socialiste, qui appelle la population à se mobiliser contre le projet de réforme. La première secrétaire, Martine Aubry, assure qu'elle rétablira l'âge obligatoire de la retraite à 60 ans advenant l'arrivée au pouvoir de sa formation en 2012.

S'il persiste à ne pas bouger sur le «coeur» de la réforme, le gouvernement prévoit des «avancées» qui pourraient être annoncées au cours des prochains jours afin de tenir compte notamment de la pénibilité du travail.

Le président Nicolas Sarkozy a fait savoir hier qu'il entendait «aller jusqu'au bout» pour rétablir l'équilibre financier des régimes de retraite.

Selon un conseiller de l'Élysée cité par Le Figaro, le chef d'État pense que les syndicats veulent éviter de surenchérir par crainte de déclencher des actions dont ils «perdraient le contrôle» ou de voir leur combat «tourner au fiasco» faute de soutien.

Ces réserves n'étaient guère évidentes hier dans les interventions des ténors syndicaux, qui prévoient déjà une nouvelle journée de grève. «Si nous ne sommes pas entendus, il y aura des suites à la mobilisation et aucune forme n'est rejetée», a prévenu le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault.