Les forces de l'ordre françaises, agissant sous les directives du gouvernement, multiplient les évacuations de campements illégaux de Roms dans le pays en utilisant des méthodes musclées qui rappellent les «rafles» pratiquées pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le parallèle ne vient pas d'un ténor de la gauche, mais d'un élu du parti de la majorité, Jean-Pierre Grand, qui s'offusque de la manière dont a été conduite samedi l'évacuation d'un bâtiment situé à Montreuil, en banlieue parisienne.

Une quinzaine d'hommes ont été appréhendés et amenés au commissariat à l'issue de l'intervention dans l'immeuble, occupé sans autorisation par 70 personnes. Ils ont été relâchés en fin de journée après avoir reçu un avis les sommant de quitter le territoire français d'ici un mois.

Les femmes et les enfants de ces hommes, des Roms originaires d'Europe de l'Est, avaient manifesté en après-midi pour réclamer leur mise en liberté.

«Peut-on être un député de la République et laisser faire cela sans réagir quand on découvre que les forces de l'ordre, intervenant très tôt le matin, trient les familles, les hommes d'un côté, les femmes et enfants de l'autre, avec menace de séparer les mères et les enfants?» s'est interrogé M. Grand, proche de l'ex-premier ministre Dominique de Villepin.

Pont bloqué à Bordeaux

«Tous les républicains ne pourront que condamner ces méthodes qui rappellent les rafles pendant la guerre», a ajouté le député de l'Hérault.

Un autre député de droite proche de M. de Villepin, à couteaux tirés avec le président français Nicolas Sarkozy, a aussi critiqué hier les évacuations de campements illégaux de Roms.

«Sans faire de parallèles qui n'ont pas lieu d'être, ce n'est pas très glorieux pour un pays comme le nôtre de recourir à des méthodes que la situation ne justifie pas. Ce n'est pas à mettre à l'actif ni à l'honneur du gouvernement», a souligné François Goulard.

«Les problèmes de sécurité ne tiennent pas à quelques camps de Roms», a-t-il prévenu.

Ces critiques émanant de la droite surviennent quelques jours après que le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, se fut félicité du fait qu'une quarantaine de campements illégaux ont été évacués au cours des dernières semaines.

Le politicien avait annoncé ce durcissement à l'issue d'une réunion tenue à l'Élysée sur les Roms et les «gens du voyage», regroupant des citoyens français semi-nomades ou sédentarisés qui ressentent aussi la pression des autorités.

Hier, des caravaniers qui venaient d'être chassés d'un terrain dans le sud de la France ont bloqué un pont menant à Bordeaux pendant plusieurs heures pour protester contre le fait que la ville refusait de leur fournir un terrain d'accueil correctement aménagé. L'incident a généré d'importants bouchons de circulation.

«Expulsions de la honte»

«Sarkozy fait des amalgamesetil est en train de nous monter les uns contre les autres. Notre pays, c'est la France», a dénoncé à la télévision James Dubois, de l'Association de la vie du voyage.

Les opérations policières continuent de faire l'objet d'un feu nourri de la gauche. Le parti des Verts a appelé dimanche «tous les élus de la République» et les citoyens à s'opposer aux «expulsions de la honte».

La stratégie «n'a aucune efficacité» puisque les personnes évacuées ont le droit de demeurer sur le territoire français, souligne la formation.

Un avis que partage le Réseau éducation sans frontières, qui soutient les Roms évacués à Montreuil.

Le porte-parole de l'organisation, Richard Moyon, est convaincu que la population française n'est pas dupe de la «tentative de diversion démagogique» du gouvernement, qui cherche, selon lui, à faire oublier ses difficultés en «s'en prenant aux étrangers de façon générale».

«L'immigration a largement diffusé dans la société française. Aujourd'hui, le métissage est une réalité et ce n'est plus possible de jouer sur l'idée de l'étranger», dit-il en entrevue.