La droite française s'offusque des «outrances» de la revue Marianne, qui traite le président Nicolas Sarkozy de «voyou de la République» en première page de son plus récent numéro.

Depuis quelques jours, députés et membres du gouvernement multiplient les interventions publiques pour dénoncer la publication, qui s'indigne, sous la plume du journaliste Jean-François Kahn, des plus récentes annonces du chef d'État en matière de sécurité.

Hier, un conseiller politique du parti de la majorité, Patrick Ollier, a déclaré que M. Kahn s'était comporté en «voyou de la presse» en manquant «du respect que l'on doit à la fonction présidentielle».

Même son de cloche du député Lionnel Luca, qui accuse Marianne de faire de la provocation pour stimuler ses ventes.

La secrétaire d'État chargée de la famille, Nadine Morano, estime pour sa part que M. Kahn, partisan déclaré du centriste François Bayrou, a commis une faute grave en traitant le président de voyou.

Quelques voix à gauche se sont tout de même élevées timidement pour critiquer le ton utilisé par la revue. «Je ne dirais pas que c'est un voyou, mais il fait du (Jean-Marie) Le Pen light», a déclaré le socialiste Pierre Moscovici.

Dans l'article au coeur de la controverse, M. Kahn dénonce notamment le fait que le président envisage de retirer la nationalité française à certains criminels «d'origine étrangère», une mesure selon lui contraire aux fondements de la République.

Il décrit le chef d'État comme un opportuniste qui se soustrait à «tout interdit idéologique ou éthique». «Pour conquérir et conserver le pouvoir, écrit-il, il est capable de tout. Absolument de tout. Exactement comme les caïds des cités. En réalité, avec d'ailleurs le talent que cette mentalité nécessite et le sens de la prise en charge qu'elle exige, Nicolas Sarkozy est un voyou.»

Pas une première

Ce n'est pas la première fois que la revue suscite une vague de protestations en s'en prenant au président avec mordant.

Avant l'élection présidentielle de 2007, elle avait fait paraître un dossier spécial de 12 pages sur «ce que les grands médias n'osent pas ou ne veulent pas dévoiler» du candidat de la droite de l'époque.

«Ce que même la gauche étouffe... c'est ce constat indicible: cet homme, quelque part, est fou! Et aussi fragile. Et la nature même de sa folie est de celle qui servit de carburant, dans le passé, à bien des apprentis dictateurs», avait alors écrit Jean-François Kahn.

Le numéro s'était très bien vendu: 300 000 exemplaires en quelques jours. Le stratagème donne encore de bons résultats aujourd'hui, souligne Claude, qui tient un kiosque à journaux non loin de la place de la Bastille.

«Les gens sont curieux, ils achètent le numéro pour savoir ce qu'il y a sous le titre», souligne le commerçant, qui ne s'offusque pas outre mesure de l'usage du mot «voyou» pour parler du président.

«Il le mérite quand même un peu, avec cette manie qu'il a de dire «Casse-toi, pauv'con» et des trucs du genre. Il n'a pas la classe qu'il faut.»