Les autorités russes affirment maîtriser les incendies de forêt qui font rage depuis plus d'une semaine dans 14 régions du pays. Les informations contradictoires qu'elles laissent filtrer montrent plutôt qu'elles sont dépassées par l'ampleur de la catastrophe. Visé par les critiques, le premier ministre Vladimir Poutine rejette le blâme sur ses subordonnés, explique notre collaborateur.

Plus de 500 000 hectares et 77 villages partis en fumée, 7000 foyers d'incendie toujours en activité, 40 morts et des centaines de personnes à la rue: la Russie brûle, les secours sont désorganisés, mais Vladimir Poutine est aux commandes.

Hier après-midi, alors que le président Dmitri Medvedev décrétait l'état d'urgence dans sept régions du pays, le premier ministre et homme fort du régime russe convoquait les responsables des régions sinistrées. «Je veux entendre aujourd'hui comment s'organise la reconstruction des habitations. Je veux des plans de reconstruction pour chaque région, chaque localité, chaque maison.»

Le ton est ferme, mais l'exigence pratiquement impossible à remplir. «Il me faut une liste de tous les blessés signée de vous, les gouverneurs», a-t-il ajouté.

Visiblement, Vladimir Poutine n'a pas digéré les reproches que lui ont servis vendredi dernier les habitants de Verkhniaïa Vereia, village rasé de la région de Nijni-Novgorod. «Vous n'avez rien fait pour empêcher que ça brûle!» avait lancé une femme hystérique à un premier ministre stoïque venu constater l'ampleur des dégâts.

La séquence «omise» par la télévision d'État russe a trouvé le chemin de YouTube quelques jours plus tard. Les médias russes indépendants ont eux aussi critiqué vertement le manque de préparation des autorités dans la lutte contre les incendies.

Dès lors, l'ancien président a entrepris de rejeter le blâme sur les responsables régionaux, pourtant nommés par lui-même et par son fidèle successeur, Dmitri Medvedev, depuis l'abolition des élections des gouverneurs en 2004. Lors de sa visite à Verkhniaïa Vereïa, il a conseillé aux politiciens locaux qui sentaient avoir perdu la confiance de leurs concitoyens de rendre leur démission.

«Pour réduire le risque d'une répétition de tels événements, il faut à l'avenir élaborer des programmes fédéraux et régionaux afin d'assurer la sécurité contre les incendies», a fait savoir le premier ministre aux dirigeants locaux.

Mais pour cette fois, il est trop tard. Les habitants de plusieurs villages ont été laissés à leur sort. Dans la région de Voronej, par exemple, des dizaines de jeunes ont formé des brigades de volontaires pour s'attaquer aux flammes qui s'approchaient de leur maison, rapportait hier l'AFP.

Informations contradictoires

La distribution de l'aide aux sinistrés s'annonce laborieuse. Conscient que le pays est rongé par la corruption, Vladimir Poutine a indiqué que les fonds débloqués seraient «sous le contrôle des représentants du Kremlin dans les régions, afin qu'ils ne soient pas détournés».

Il s'attend aussi à ce que des citoyens et des fonctionnaires malhonnêtes profitent de la situation pour obtenir de l'argent auquel ils n'ont pas droit. «Les maisons seront reconstruites selon les prix réels du marché (...) et la liste des victimes sera vérifiée minutieusement. Les escrocs et les voyous ne doivent pas avoir la moindre chance de profiter de la situation», a déclaré le premier ministre hier.

De son côté, le ministère des Situations d'urgence, responsable de la lutte contre les incendies, s'est montré officiellement optimiste dans ses efforts pour freiner les incendies. Quelque 265 villages auraient été épargnés des flammes en une seule journée grâce au travail des sapeurs.

«Trois cents nouveaux foyers d'incendie apparaissent en moyenne chaque jour et 95% d'entre eux sont éteints la journée où ils sont localisés», a déclaré un porte-parole du Ministère hier. Pourtant, les données officielles fournies par le même ministère parle d'un décuplement du nombre de foyers entre dimanche et lundi, passant de quelque 700 à 7000...

Dans la série des informations floues et contradictoires, des officiels ont déclaré le week-end dernier que deux sites nucléaires étaient menacés par les incendies. D'autres responsables se sont empressés de démentir la nouvelle.

Hier, le ministre Sergueï Choïgou a pourtant «multiplié par dix» les moyens pour combattre les flammes près du Centre fédéral de recherche nucléaire de Sarov, en plein coeur de l'une des zones les plus affectées par les incendies de forêt. En raison de la fumée trop épaisse, les avions-citernes n'ont pu survoler les environs de Sarov hier. L'extinction de l'incendie a été remise à cet après-midi.