Frappées par la récession, de plus en plus de villes s'apprêtent à abolir leur service de police, rapporte notre correspondant.La ville de San Carlos, à Silicon Valley, n'est pas le genre d'endroit que l'on associe à une catastrophe sociale et économique.

Le salaire moyen y est de 88 000$ par foyer - bien au-dessus de la moyenne de l'État. C'est dans la ville voisine, Menlo Park, que Larry Page et Sergey Brin ont lancé Google il y a 12 ans.

Or, la crise économique qui balaie la Californie a fait fondre les revenus de la municipalité. Cette semaine, San Carlos a annoncé que l'entretien des terrains et des bâtiments publics sera confié à une entreprise privée. Et le service de police sera bientôt fermé. Une ville voisine va prendre la relève.

«Nous avons réduit les dépenses dans notre administration, nos parcs et nos bâtiments, nous avons réduit les salaires, mais ce n'est pas encore assez pour équilibrer le budget», a dit le directeur de la ville de 28 000 habitants, Mark Weiss, à la réunion du conseil municipal, cette semaine.

Les coupes dans les services essentiels sont en vogue cette année en Californie et ailleurs aux États-Unis. Plus tôt ce mois-ci, la petite ville de Maywood, près de Los Angeles, a aussi aboli son service de police.

La situation est grave, estime Frank Benest, ancien directeur de la Ville de Palo Alto, dans Silicon Valley, et aujourd'hui consultant privé.

«Le service de police, c'est quelque chose de très visible, de très émotif pour les citoyens. Quand on enlève ça, c'est parce que les choses vont vraiment, vraiment mal. Ça donne la mesure de la catastrophe financière qui s'abat sur le pays», dit-il en entrevue téléphonique.

Sabrer les services policiers est tentant, pour les villes. «Dans bien des petites municipalités, les services de police prennent jusqu'à 70% ou même 80% du budget, dit M. Benest. C'est bien souvent la dépense la plus importante.»

Le phénomène atteint parfois des proportions naguère impensables. Plus tôt cette année, la ville de Colorado Springs, au Colorado, a réduit son budget de façon jamais vue. La Ville a renvoyé des pompiers, des policiers et plusieurs employés municipaux. Désormais, 33% des lampadaires sont éteints en permanence, et les poubelles dans les parcs ont été remplacées par des écriteaux qui demandent aux citoyens de jeter leurs déchets chez eux.

46 États touchés

Le magazine Business Week a calculé que 70% des villes américaines éliminent des emplois pour faire face à une baisse des revenus cette année. Une ville sur cinq ferait des coupes dans les services de police.

La Ville de San Carlos, par exemple, a un déficit de 3,5 millions sur un budget total d'un peu plus de 25 millions.

Meredith Whitney, analyste financière respectée à Wall Street, a calculé récemment que les villes et les États américains auraient besoin de 200 milliards de dollars pour boucler leur budget 2010-2011. Washington propose une aide de 50 milliards. Au total, 46 États américains ont indiqué qu'ils prévoyaient être déficitaires cette année, un record.

«S'ils n'obtiennent pas de financement, les États et les villes sont prêts à mettre à pied 2 millions d'employés, a noté Mme Whitney. Cela aurait pour effet de ralentir la reprise: dans bien des États, les dépenses des gouvernements totalisent 10% de l'économie.»