Le 26 juin 2008: par cinq voix contre quatre, la Cour suprême des États-Unis annule une loi interdisant la possession d'armes de poing à Washington.

Le 21 janvier 2010: par cinq voix contre quatre, la plus haute juridiction américaine autorise les entreprises à financer librement les campagnes électorales.

 

Le 28 juin 2010: par cinq voix contre quatre...

C'est l'évidence même: dans presque tous les dossiers controversés sur lesquels elle est invitée à s'exprimer, la Cour suprême finit par trancher avec la plus petite majorité possible, les cinq juges les plus conservateurs de l'instance faisant équipe contre les quatre plus à gauche.

Il s'agit d'un clivage que Barack Obama aimerait bien renverser en faveur des progressistes avant la fin de sa présidence, un objectif qui tient sans doute à plusieurs facteurs impondérables, dont sa réélection. En attendant, le chef de la Maison-Blanche mène une drôle de guerre contre une institution qui est appelée à décider des questions les plus explosives de la société américaine, de l'avortement aux droits des minorités en passant par le contrôle des armes à feu.

Le président démocrate a démontré en janvier dernier qu'il ne craignait pas d'utiliser les moments les plus solennels de la vie politique américaine pour dénoncer ce qu'il considère comme la dérive à droite du troisième pilier du pouvoir américain après la présidence et le Congrès. Ainsi, lors de son dernier discours sur l'état de l'Union, il a vigoureusement critiqué l'arrêt du 21 janvier devant quelques-uns de ses auteurs, dont le président de la Cour, John Roberts, et un de ses collègues conservateurs, Samuel Alito.

«Avec tout le respect dû à la séparation des pouvoirs, je pense que la Cour suprême a remis en question un siècle de jurisprudence et ouvert les vannes aux intérêts particuliers, y compris les entreprises étrangères, pour dépenser sans limites dans nos élections», a-t-il déclaré.

Un enregistrement vidéo permet de voir réagir le juge Alito: «Pas vrai», a-t-il murmuré en secouant la tête.

Quelques jours plus tard, le juge Roberts a qualifié de «troublante» la sortie du président en pareille circonstance.

«Les vieillards»

Barack Obama n'était évidemment pas le premier président à s'en prendre publiquement à la Cour suprême. En son temps, Franklin Roosevelt avait notamment pourfendu «les vieillards» de ce tribunal, dont l'influence sur la société américaine tient en partie au fait qu'ils sont nommés à vie.

En tant qu'ancien professeur de droit constitutionnel, le président professe le plus grand respect pour la Cour suprême et le plus grand intérêt pour la responsabilité qui lui incombe de nommer les nouveaux juges, le meilleur moyen de transformer cette institution.

«Le processus de sélection pour remplacer le juge Souter fait partie des responsabilités les plus importantes d'un président», a-t-il déclaré en parlant du magistrat auquel Sonia Sotomayor a succédé l'an dernier.

La nomination de la première juge hispanique à la Cour suprême n'a rien changé à l'équilibre entre les juges conservateurs et progressistes. Il en va de même pour le deuxième choix du président, Elena Kagan, qui a été désignée pour remplacer le doyen et pilier de l'aile progressiste de la Cour, John Paul Stevens.

Si l'on se fie à l'âge, Ruth Bader Ginsburg, qui a célébré en mars son 77e anniversaire de naissance, serait la plus susceptible de quitter la Cour suprême dans un proche avenir. Comme son collègue Stephen Breyer, qui aura 72 ans au mois d'août, elle est plutôt à gauche.

Dans l'autre camp, seuls Anthony Kennedy et Antonin Scalia ont franchi le cap des 70 ans. Ils se feront cependant un plaisir, voire un devoir, de survivre à la présidence de Barack Obama.