L'argent ne fait pas le bonheur, dit-on. Mark Boyle en est la preuve. L'Irlandais a dit adieu aux billets et aux pièces de monnaie il y a 18 mois. Il applique à la lettre ses convictions anticapitalistes et environnementales. Son rêve? Fonder un village sans argent.

Mark Boyle vit sans le sou. Pourtant, il se dit riche. À tout le moins, plus riche que «80% des Britanniques qui sont endettés», explique-t-il, l'air malin.

 

À l'hiver 2009, l'Irlandais de 29 ans s'est donné une mission, à première vue impossible: vivre sans argent pendant un an. Aujourd'hui, son portefeuille est toujours vide. Mais il ne s'en porte que mieux.

«Je n'ai jamais été aussi heureux. Je n'ai plus de soucis», dit Mark Boyle. Ou presque. Le jour où La Presse l'a rencontré, il tentait de se débarrasser d'un rat de campagne qui s'était installé dans sa vieille roulotte.

Cependant, le végétarien n'est pas inquiété par sa subsistance. Il cultive un lopin de terre près de la petite ville de Bath, dans l'ouest de l'Angleterre. Les propriétaires d'une ferme lui prêtent son petit coin de paradis en échange d'une partie de ses récoltes.

Le reste du temps, Mark Boyle cueille des herbes et des fruits sauvages ou glane des produits périmés à l'arrière des supermarchés.

Pourquoi se donner tant de mal? L'homme des bois cite Gandhi. Alors qu'il était à sa quatrième année d'études en finances, il a été bouleversé par un film sur la vie du petit Indien à la toge.

«J'ai réalisé que ma façon de vivre était égoïste et irresponsable à l'égard de l'environnement, explique Mark Boyle, qui quitte rarement son short, même en hiver. Depuis, je vis selon cette consigne de Gandhi: «Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde.»

Au rythme de la nature

À la suite de cette révélation, il s'est d'abord tourné vers le marché des produits biologiques avant de déchanter au bout de quelques années. Même si nous achetons tous bio du jour au lendemain, ce ne serait pas suffisant pour éviter le chaos climatique, plaide-t-il.

«J'ai senti que je devais éprouver mes limites pour vivre en harmonie avec la nature», dit-il calmement.

Ses possessions les plus chères sont une roulotte (donnée), un ordinateur portable et un panneau solaire.

Le campeur sauvage cuisine ses repas sur un four à bois fabriqué avec deux vieux contenants de métal. Des graines de fenouil lui servent de dentifrice. Et pour se laver, le gaillard n'a pas peur des douches froides.

Les 20 premiers jours ont été les plus difficiles. Aujourd'hui, il n'est pas question pour lui de revenir en arrière.

«L'argent nous donne un faux sentiment de sécurité, insiste-t-il. Une devise peut être dévaluée du jour au lendemain.»

L'actualité des derniers mois semble lui donner raison, avec la crise économique en Grèce et les soubresauts de l'euro.

Village à l'ancienne

Notre système monétaire est la source de tous nos maux, à en croire Mark Boyle. «Nous n'assumons pas le coût humain et environnemental d'un produit, que ce soit un baril de pétrole provenant d'Irak ou une tasse de café colombien. Il est difficile de savoir si les travailleurs ont été bien traités, et l'environnement, respecté.»

Maintenant qu'il a écrit un livre sur son expérience, le jeune homme espère amasser des fonds pour acquérir le terrain du premier village «sans argent», qui fonctionnerait grâce au labeur et à l'ingéniosité de ses habitants.

«Je sais que c'est paradoxal d'utiliser de l'argent pour fonder une zone sans monnaie, concède-t-il. Mais c'est semblable au pécule des esclaves de l'Empire romain qui achetaient leur liberté.»

Un film portant sur la démarche de Mark Boyle, The Moneyless Man, sortira en septembre au Canada.