À quelques jours de l'ouverture de la Coupe du monde, la fièvre du soccer s'empare de la classe politique française, qui disserte à qui mieux mieux sur l'équipe nationale et ses joueurs.

La vice-présidente du Front national, Marine Le Pen, a ouvert le bal la semaine dernière, dans un registre familier au parti d'extrême droite, en soulignant qu'elle ne se reconnaissait «pas particulièrement» dans la formation actuelle.

La politicienne, qui aspire à prendre la tête de son parti en janvier prochain, reproche notamment à certains joueurs de manquer de patriotisme.

«La plupart de ces gens considèrent qu'un coup, ils sont représentants de la France quand ils sont à la Coupe du monde, un autre coup, ils se considèrent comme appartenant à une autre nation ou ayant une autre nationalité de coeur», a déclaré Mme Le Pen.

Elle a notamment ciblé l'attaquant Franck Ribéry en l'accusant d'avoir manifesté «entouré par le drapeau algérien en octobre 2009».

Marine Le Pen a aussi fait référence à un autre joueur, Nicolas Anelka, qui avait évoqué en décembre la fiscalité française pour expliquer le fait qu'il ne voulait pas vivre en France.

«En 1998, c'était l'équipe black-blanc-beur, maintenant c'est l'équipe fric-fric-fric. C'est bien regrettable», a-t-elle expliqué en évoquant l'équipe victorieuse de la Coupe du monde de 1998, célébrée au pays pour sa diversité ethnique.

«Vieilles recettes xénophobes»

L'organisation SOS-Racisme a critiqué la dirigeante frontiste en relevant qu'elle faisait appel «aux vieilles recettes xénophobes de son père» pour asseoir sa popularité au sein de son électorat.

En 2006, le fondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen, avait mis en question «la proportion de joueurs de couleur» de l'équipe.

Le président socialiste de Languedoc-Rousillon, Georges Frêche, s'était étonné pour sa part, la même année, du fait que neuf des onze joueurs partant de l'équipe de France soient noirs.

«La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre. Ce serait le reflet de la société», avait déclaré le controversé élu, qui a été exclu de la formation pour ses propos.

La secrétaire d'État aux Sports, Rama Yade, a souligné en entrevue au quotidien Le Monde en fin de semaine que ceux qui ne se reconnaissaient pas dans l'équipe de France ne connaissent rien au soccer et à son «esprit d'amitié et de fraternité».

«Soupçonner les joueurs de l'équipe de France de ne pas se sentir français est une aberration, fabriquée de toutes pièces par l'extrême droite, coutumière du fait. Le sélectionneur choisit les meilleurs, il s'avère qu'ils sont issus de la diversité. C'est comme ça», a-t-elle noté.

Tout en pourfendant le Front national, Mme Yade y est allée de son propre refrain contre l'équipe de France en critiquant le caractère luxueux de l'hôtel choisi pour loger les joueurs en Afrique du Sud.

«Ce qui compte pour l'instant est le résultat sportif des Bleus, que l'équipe montre son meilleur visage sur le plan sportif et qu'elle nous éblouisse par ses résultats plutôt que par le clinquant de ses hôtels», a-t-elle déclaré à la radio.

Appel à la mobilisation

La ministre de la Santé et des Sports, Roselyne Bachelot, a cherché à recadrer la secrétaire d'État dimanche en relevant qu'il «n'était plus temps de faire des polémiques».

«Maintenant, allez stop, on est derrière notre équipe. Elle en a besoin», a déclaré la politicienne, qui doit se rendre en Afrique du Sud à l'occasion de la compétition.

Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a poursuivi dans la même veine. «J'ai parfois le sentiment qu'on est le seul pays où à trois jours d'une compétition internationale comme ça, on est capable d'une telle polémique. Ce qui est important, c'est que tous les Français, y compris les ministres du gouvernement, soient mobilisés derrière leur équipe», a-t-il noté.

La population elle-même n'affiche guère d'enthousiasme face à l'équipe française, qui a peiné lors des matchs préparatoires des dernières semaines. Un sondage diffusé début mai indiquait que 46% des Français n'aiment «pas du tout» la formation actuelle.