Près de quatre ans après la fin des bombardements israéliens, le sol libanais demeure bourré d'explosifs. Des millions de bombes ont été larguées par l'État hébreu lors du conflit avec le Hezbollah en 2006. Bon nombre n'ont pas explosé. Elles continuent donc de faire des victimes. En majorité des civils. Notre journaliste fait le point sur cette véritable bombe à retardement.

Hussein Zreik est assis sur une chaise de patio, le corps penché d'un côté. L'adolescent de 15 ans parle peu. Il sourit timidement aux taquineries de son père, Ali. Quand il entend une voiture approcher, il se lève et se dirige en clopinant vers la route, devant la maison familiale, à Adchit, un village près de Nabatiyé, dans le sud du Liban.

Hussein a une jambe artificielle. Il y a deux ans, l'explosion d'une sous-munition lui a presque coûté la vie.

«J'étais avec mon frère, mon cousin et deux amis. On jouait dans le lac pas loin de la maison quand on a vu quelque chose de métallique», dit-il. Curieux, les garçons se sont approchés. L'un d'eux a pris l'objet. Il l'a lancé. La bombe a explosé aux pieds d'Hussein.

Les médecins ont passé plusieurs heures à l'opérer. Ils lui ont amputé la jambe droite sous le genou. Il avait reçu un fragment de métal dans la poitrine qui lui a laissé une grande cicatrice près du coeur.

L'explosif que les enfants avaient trouvé est un vestige des bombardements israéliens de l'été 2006. Durant 33 jours, l'État hébreu a largué entre 2,6 et 4 millions de sous-munitions sur le Liban, selon l'ONU.

Environ 90% d'entre elles ont été utilisées dans les 72 heures précédant le cessez-le-feu, alors que la résolution pour mettre fin au conflit avait déjà été adoptée.

Agriculteurs et enfants

À la différence des mines, que l'on pose manuellement dans le sol, les bombes à sous-munitions sont larguées du haut des airs. Elles sont conçues pour exploser dans le ciel et libèrent de quelques dizaines à quelques centaines d'engins plus petits. Ces sous-munitions, normalement, explosent au contact du sol.

Or, l'armée libanaise estime qu'environ 35% des bombes n'ont pas fonctionné comme elles l'auraient dû. Des centaines de milliers de bombes non explosées parsèment le sud du pays. Le Lebanese Mine Action Center, organe de l'armée libanaise, estime que ces explosifs sont disséminés dans une superficie de quelque 43 km2. Un peu plus de la moitié de la zone a été débarrassée des sous-munitions depuis quatre ans.

«Ces bombes sont très instables, très dangereuses, explique le lieutenant-colonel Chekri Ghanem, du LMAC. On dit aux gens de ne pas aller dans certaines zones. Environ 75% de la surface touchée est constituée de terres agricoles.»

Depuis la fin des bombardements, les sous-munitions ont tué 46 personnes et en ont blessé 317. Parmi les victimes, un grand nombre de bergers, d'agriculteurs et d'enfants.

Des militaires, mais aussi des civils employés par des organismes non gouvernementaux travaillent de concert pour débarrasser le sol des explosifs. Mais le travail est long et ils font face à un obstacle: le manque de ressources.

Rumeurs de guerre

«Nous manquons de fonds. L'intérêt des donneurs est maintenant tourné vers l'Asie et le déminage du Laos et du Vietnam», dit Khaled Yamout, coordonnateur du programme d'action contre les mines du Norwegian People's Aid, un des organismes partenaires du LMAC.

Il préfère ne pas penser à l'éventualité d'une nouvelle guerre.

«Cette peur est toujours présente. Mais ça détruirait tout ce qu'on a fait. Ça ferait de nouvelles victimes, et les anciennes victimes en souffriraient aussi. Je ne sais pas comment on ferait», dit-il.

Ali Zreik prend les choses avec philosophie. En 2006, après 15 jours de bombardements, il a fui son village avec sa femme et ses cinq enfants pour se réfugier à Beyrouth. Même si l'accident de son fils Hussein deux ans plus tard a bouleversé leurs vies, il ne s'en fait pas trop avec les rumeurs de guerre, qui reviennent chaque printemps.

«Tout est possible, concède-t-il. Mais nous ne pouvons pas enfermer nos enfants dans la maison pour les protéger.»