BP a commencé hier à pomper de la boue pour tenter de bloquer la fuite de pétrole au fond du golfe du Mexique, une procédure risquée jamais entreprise à 1,6 km de profondeur.

Le géant pétrolier, qui a reconnu hier que des défaillances avaient entraîné la catastrophe, en plus de faire l'objet de nouvelles accusations de négligence, a noté que la procédure n'est pas instantanée et que les résultats sont incertains.

 

L'opération consiste à injecter à partir d'un bateau en surface une solution faite d'eau, de matières solides et de barite, un minerai, dans deux conduits qui mènent à la valve antiexplosion du puits, d'où s'échappent le pétrole et le gaz, puis à sceller le puits avec du ciment. En fin de soirée, hier, la caméra braquée en permanence sur la fuite montrait un puissant jet de pétrole et de boue brunâtre.

«L'opération se déroule comme prévu, a dit le président de BP, Tony Hayward, en point de presse hier soir, quatre heures après le début des opérations. Il va falloir attendre 24 heures avant de savoir si la méthode a du succès ou non.»

De passage dans la région de San Francisco, hier, le président Barack Obama a visité une centrale à l'énergie solaire dans la petite municipalité de Fremont. Il a dit suivre d'heure en heure les efforts pour colmater la fuite.

«Si cette opération devait réussir -et il n'y a aucune assurance à cet égard-, cela réduirait ou éliminerait le flot du pétrole actuellement projeté dans le golfe du Mexique», a dit le président, qui se rendra en Louisiane demain pour évaluer les dégâts causés par la marée noire.

Le gouvernement fédéral et BP font les frais de la crise dans l'opinion publique. Un sondage Gallup dévoilé hier montre que près de trois Américains sur quatre donnent une note «faible» ou «très faible» à BP pour sa gestion de la marée noire. Six répondants sur dix disent que le gouvernement fédéral ne se montre pas à la hauteur dans le dossier.

Défaillances sur la plateforme

Le président de BP a reconnu hier que «sept défaillances» étaient survenues avant l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon le 20 avril, sans toutefois préciser s'il s'agissait d'erreurs humaines ou de problèmes techniques. Mardi soir, des élus du Congrès ont annoncé avoir eu accès à une enquête interne de BP sur la catastrophe indiquant «trois signes avant-coureurs» annonçant l'imminence d'un danger, survenus dans l'heure qui a précédé l'explosion.

Et durant des audiences sur la cause de l'accident tenues à La Nouvelle-Orléans par la Garde côtière, hier, des employés qui étaient présents sur la plateforme ont fait part de manquements à la sécurité dans les heures précédant l'explosion.

Selon une déposition écrite de Truitt Crawford, travailleur de Transocean, il y avait des «tensions» sur la plateforme avant l'explosion du 20 avril, qui a fait 11 morts.

«J'ai entendu les patrons discuter et dire que BP prenait des raccourcis en projetant de l'eau de mer plutôt que de la boue avant de sceller le puits, a-t-il écrit. C'est pour cette raison que ça a explosé.»

Robert Kaluza, un des directeurs de BP présents sur la plateforme au moment de la tragédie, a refusé de répondre aux questions, invoquant le cinquième amendement de la Constitution américaine, qui permet à tout citoyen de refuser de témoigner contre lui-même.

Ces nouveaux éléments sous-entendent que des accusations criminelles pourraient être portées. Les audiences se poursuivront aujourd'hui.

Laxisme

Curtis Deutsch, océanographe rattaché au département des sciences océaniques de l'Université de Californie à Los Angeles, rappelle que BP a le pire bilan de toutes les grandes pétrolières en matière de sécurité. «Les données sont là, et elles témoignent d'un certain laxisme de la part de la société», dit-il en entrevue.

Selon lui, les accidents pétroliers sont plus fréquents que les entreprises ne l'admettent publiquement. «Les pétrolières sont habituées de travailler en haute mer, là où les accidents sont difficiles à voir. Il n'y a souvent pas de suivi.»

Les millions de litres de pétrole déversés en mer sont déjà en train d'être poussés au large. «Même s'il est dilué, le pétrole ne disparaît pas. Il peut parcourir des milliers de kilomètres, et contaminer les poissons et les oiseaux bien au-delà des côtes du golfe du Mexique.»

Avec l'AFP