Le président français Nicolas Sarkozy ébauche déjà une stratégie pour assurer sa réélection en 2012. Il pourrait croiser sur son chemin le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, qui reste bien en vue dans l'Hexagone en raison de la crise économique. Ces jours-ci, les médias français n'ont d'yeux que pour cet ex-ministre socialiste, qui laisse planer le doute sur ses intentions, tandis qu'une équipe de fidèles travaille dans les coulisses pour préparer son retour sur la scène politique française.

Le scrutin présidentiel n'est que dans deux ans, mais le sérail politico-médiatique français n'en a cure et se perd en spéculations sur l'identité du prochain héraut de la gauche.

 

Après avoir glosé sur l'ascension de l'actuelle première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, sortie auréolée des élections régionales, la presse se concentre maintenant sur les intentions du directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn.

L'effervescence entourant l'ex-ministre des Finances découle notamment de sondages qui le placent loin devant ses adversaires socialistes potentiels pour représenter le parti au scrutin de 2012. Certaines études le voient même déjà gagnant au second tour face à l'actuel président, Nicolas Sarkozy.

DSK, comme il est communément désigné, ne peut, en raison du devoir de réserve propre à sa fonction, annoncer clairement sa couleur. Mais son entourage s'assure de garder l'homme de 61 ans bien présent dans l'esprit des Français, égrenant stratégiquement «révélations» et entrevues.

Libération croit savoir que l'économiste, un temps converti en avocat d'affaires, a déjà décidé de solliciter en 2011 l'investiture socialiste, ce qui l'obligerait à couper court à son mandat dans l'organisation internationale.

Le quotidien a relaté la semaine dernière que DSK, qui vit à Washington, s'était longuement entretenu de la situation politique du pays lors d'un dîner avec de proches collaborateurs en février à Paris. «Je suis encore dans une phase de réflexion, mais si on vous pose la question, dites que je réfléchis», a-t-il souligné.

Comme déclaration tranchée, on a déjà vu mieux, se sont gaussées les autres publications parisiennes, qui n'en continuent pas moins de spéculer sur le sujet.

»Coureur de jupons»

L'effervescence est aussi palpable du côté des éditeurs, qui annoncent la sortie d'une demi-douzaine de livres sur l'ex-ministre d'ici à la fin de l'année.

Le premier d'entre eux, qui vient de paraître, est intitulé DSK, les secrets d'un présidentiable. Il est présenté comme l'oeuvre d'une proche collaboratrice du «Gang», groupe de professionnels du monde de la communication et de la politique qui se sont donné pour mission de faire élire DSK en 2012.

L'auteure, qui utilise le pseudonyme Cassandre, s'attarde très longuement sur l'appétit sexuel, réputé légendaire, du politicien, qui s'est retrouvé en difficulté peu après son arrivée à la tête du FMI en raison d'une relation avec une employée de l'organisation.

«Il n'a pas fallu longtemps pour que notre Casanova soit rattrapé par ses démons», relate-t-elle avant d'expliquer par le détail les efforts de communication mis en oeuvre pour contrer la crise. La riche femme du politicien, Anne Sinclair, ex-journaliste vedette, a notamment signé à contrecoeur un billet de soutien public à l'égard d son époux, qui sera blanchi de toute faute éthique.

D'autres aventures du politicien pourraient rebondir à l'avenir, prévient Cassandre, qui décrit DSK comme un homme «ayant toutes les qualités d'un chef d'État: ambitieux, manipulateur, menteur pathologique et coureur de jupons».

Elle relate les déclarations et les actions, souvent cyniques, des membres du Gang, qui sont déterminés à le faire élire «par n'importe quel moyen». L'auteure affirme que des journalistes complaisants sont régulièrement mis à profit pour chanter les mérites du politicien dans la presse française en prévision du moment où il fera le grand saut.

Pacte de non-agression

L'ouvrage a été vertement attaqué par les lieutenants du principal intéressé, qui ont joint des dizaines de rédactions pour faire passer le message qu'il s'agit d'un «grossier plagiat» rempli d'informations «véridiques ou erronées déjà publiées».

L'exercice de contrôle d'image en cours porte aussi sur le rôle de DSK à la tête du FMI, qui lui donne une forte visibilité en raison de la crise économique. Son entourage avait initialement visé ce poste, selon Cassandre, pour lui permettre de «faire une jolie pause avant de revenir en politique» en suivant la «voie royale des hauts fonctionnaires internationaux, surpayés, mais pas trop exposés».

Certains analystes croient que les programmes d'austérité imposés actuellement en Grèce et ailleurs pourraient rejaillir sur le «candidat» DSK en lui donnant une image d'économiste ultralibéral qui sera difficile à vendre à la base socialiste.

L'ex-ministre, qui s'est remis en selle au parti au début des années 2000 après avoir été forcé de combattre des accusations de malversations, devra composer avec Martine Aubry.

Les deux ténors du parti, qui se connaissent de longue date, ont signé un pacte de non-agression en vue des primaires socialistes qui verrait le moins populaire se retirer au profit du second. Mais la bonne performance de la première secrétaire aux élections régionales de mars (et ses déclarations subséquentes) laisse planer le doute sur ses intentions.

Ségolène Royal, qui avait remporté haut la main l'investiture socialiste en vue de la dernière élection présidentielle, pourrait aussi revenir le hanter.

L'entourage de DSK, note Cassandre, espérait que le directeur général du FMI serait appelé à la tête du parti le moment venu comme «le messie», mais l'avenir s'annonce plus complexe.