«La vitalité démographique nous donne une chance de rester une superpuissance», dit le démographe Joel Kotkin

Démographe et urbanologue américain de renom, Joel Kotkin prend le contre-pied du pessimisme ambiant sur l'avenir des États-Unis dans un livre publié récemment sous le titre The Next Hundred Million: America in 2050. La Presse l'a interviewé cette semaine, découvrant au passage que ce New-Yorkais transplanté en Californie est marié à une Lavalloise.

 

Q: Qu'adviendra-t-il du caractère américain lorsque les Blancs perdront leur statut majoritaire aux États-Unis, vers 2043? Ce caractère disparaîtra-t-il, comme certains de vos concitoyens le craignent?

 

R: La même question a été soulevée lorsque les États-Unis ont perdu leur majorité anglo-saxonne. Et elle a été soulevée de nouveau lorsque les États-Unis ont perdu leur majorité européenne. Le pays est en constante évolution. Mais ce n'est pas un pays fondé sur une typologie ethnique ou raciale. Les États-Unis représentent plus une idée qu'autre chose. Fait intéressant, cette peur de perdre le caractère américain est ressentie davantage par les gens de droite que les gens de gauche.

 

Q: À quoi attribuez-vous cela?

R: Plusieurs conservateurs définissent le caractère américain par le capitalisme et la décentralisation, dont je suis moi-même un partisan. Les progressistes, en revanche, ont tendance à voir ce caractère sous l'angle de la diversité ethnique. Je suis d'accord avec ces deux visions et, contrairement aux conservateurs, je ne crois pas que le capitalisme et la décentralisation soient menacés par les changements démographiques.

 

Q: Vous estimez que la vitalité démographique des États-Unis constituera un de leurs atouts principaux pour éviter le déclin que plusieurs leur prédisent. Avec 100 millions d'Américains de plus, dont bon nombre seront d'origines hispanique et asiatique, les États-Unis demeureront un pays jeune en 2050, selon vos projections: un quart seulement de ses habitants auront plus de 60 ans, contre 41% au Japon et 31% en Chine. C'est la raison de votre optimisme?

R: Je vous rappelle d'abord que l'idée du déclin américain est présente depuis longtemps. En fait, elle l'était peut-être encore davantage il y a 25 ans. Cela dit, je crois fondamentalement que cette vitalité démographique nous donne une chance de rester une superpuissance transcendante. Bien sûr, nous pourrions tout gâcher et descendre en vrille. La question la plus importante sera la création d'emplois. Notre force ouvrière augmentera de 34%, ce qui me fait croire que la polarisation des classes représentera un plus grand danger en 2050 que la polarisation raciale.

 

Q: Et vous croyez que leur vitalité démographique permettra aux États-Unis de se retrouver en meilleure position que la Chine en 2050?

R: J'ai écrit, il y a environ 25 ans, un livre dans lequel je prédisais la montée de la Chine et de l'Inde, alors que tout le monde ne parlait que du Japon. Je pense que la Chine aura des problèmes qui seront différents de ceux que le Japon a connus: un déséquilibre entre les garçons et les filles, un manque de personnes jeunes par rapport aux personnes âgées, des problèmes environnementaux, et, bien sûr, tout le problème de la légitimité politique. Censurer l'internet ne peut rapporter à un pays.