Si l'on peut juger du succès d'une personnalité politique à la force des attaques qu'elle subit, Nancy Pelosi est extrêmement efficace.

Ses opposants ne brûlent pas son effigie, mais c'est tout juste. Cette semaine, le Parti républicain a amassé 1,5 million de dollars sur l'internet avec la nouvelle campagne «Renvoyez Pelosi» (Fire Pelosi), illustrée par le visage en colère de l'élue de San Francisco entouré d'un brasier.

 

En entrevue à la télévision nationale, la principale intéressée a haussé les épaules: «Je suis dans l'arène... À titre de président de la Chambre des représentants, on devient la cible. Il faut - comment dire? - il faut presque aimer cela.»

Nancy Pelosi, qui fête son 70e anniversaire de naissance aujourd'hui, n'a pas toujours inspiré la peur à ses adversaires. En 2007, sa nomination à la présidence de la Chambre des représentants avait d'ailleurs surpris plusieurs de ses collègues. Plusieurs jugeaient que ses opinions progressistes sur les droits des homosexuels et l'avortement nuiraient à ses chances de rassembler les démocrates pour les votes cruciaux.

Trois ans plus tard, les doutes sont dissipés. Le vote de dimanche, dans lequel 219 élus de la Chambre ont appuyé la réforme de la santé attaquée de toutes parts par les républicains, a montré que Nancy Pelosi est au sommet de son art.

Jaime A. Regalado, directeur de l'Institut d'études politiques Edmund G. Brown de la California State University, estime qu'il s'agit d'une réussite remarquable.

«Cette semaine, Nancy Pelosi est devenue l'une des femmes les plus puissantes de l'histoire des États-Unis, aucun doute là-dessus», explique-t-il.

 

Bourreau de travail

Le parcours politique de Mme Pelosi est étonnant. Mariée à Paul Pelosi, riche homme d'affaires de San Francisco, Mme Pelosi a élevé ses cinq enfants et est même devenue grand-mère avant de faire son entrée en politique. Elle a été élue à la Chambre des représentants pour la première fois en 1988 et réélue 10 fois depuis.

Son district compte moins de 13% d'électeurs d'allégeance républicaine, ce qui en fait l'un des moins risqués au pays pour les démocrates.

La force de Mme Pelosi, disent ses partisans, c'est de très bien connaître les particularités de chaque membre de la Chambre. Un atout important quand vient le temps d'inciter un élu récalcitrant à appuyer un projet de loi.

Mme Pelosi passe ses journées à cajoler ou à intimider les représentants démocrates, en personne ou par téléphone. Les week-ends, elle sillonne les États-Unis pour aider les représentants dans leurs campagnes de financement.

Sa capacité de travail est légendaire. Il y a quelques mois, un de ses assistants a déclaré au New York Times: «Je ne sais pas si elle mange ou si elle dort.»

Mme Pelosi a réussi à gagner le respect dans un poste particulièrement difficile, explique M. Regalado.

«Il y a quelques années, les gens la voyaient comme la première femme présidente de la Chambre des représentants. Aujourd'hui, cette image s'est estompée. Mme Pelosi a fait sa marque dans l'institution.»

La place de Mme Pelosi dans l'histoire américaine n'est pas encore définitive, notent certains experts. Daniel Palazzolo, politologue et expert de la Chambre des représentants à l'Université de Richmond, croit que le sort de Mme Pelosi se jouera l'automne prochain, aux élections de mi-mandat.

«Le défi no 1 du président de la Chambre est de réussir à garder sa majorité, a-t-il récemment dit au Los Angeles Times. Si Nancy Pelosi réussit cela en novembre, alors il faudra sans hésiter la mettre dans une classe à part. Elle sera parmi les grands.»