Coup de froid entre Israël et la Grande-Bretagne: un diplomate israélien a dû plier bagage hier. Cette expulsion fait suite à l'assassinat spectaculaire d'un chef du Hamas à Dubaï en janvier. Londres accuse Israël d'être responsable du clonage des passeports britanniques utilisés par les auteurs du meurtre.

L'enquête sera «exhaustive», avait promis le premier ministre Gordon Brown en février dernier. Il y a cinq semaines, la Grande-Bretagne avait été stupéfaite d'apprendre que l'identité de 12 Britanniques vivant en Israël avait été usurpée dans l'affaire de l'assassinat d'un chef du Hamas à Dubaï.

Hier, Londres a conclu qu'Israël était responsable de l'usage de ces passeports clonés et a exigé l'expulsion d'un diplomate israélien, dont l'identité était encore inconnue hier soir.

Le ministre des Affaires étrangères, David Miliband, a rabroué le «pays ami» pour son comportement «intolérable». «Cela représente un profond mépris pour la souveraineté de la Grande-Bretagne, a-t-il affirmé à la Chambre des communes. Le fait que l'auteur de ces actes soit notre allié est le comble de l'insulte. Aucune nation ne peut accepter une telle situation.»

Il a ajouté que «la transparence et la confiance» étaient essentielles pour que les deux pays poursuivent leur collaboration, notamment sur les ambitions nucléaires de l'Iran, dossier cher à Israël.

Un haut représentant des services secrets israéliens, le Mossad, serait la victime de cet accrochage diplomatique, selon le Times. Le chef de l'ambassade israélienne à Londres, Ron Prosor, s'est dit déçu de la décision de Downing Street.

Les autorités de Dubaï accusent le Mossad d'avoir orchestré le meurtre de Mahmoud Al-Mabhouh, chef du trafic d'armes du Hamas, le 19 janvier dernier. Les extraits vidéo des agents déguisés, cernant soigneusement leur victime dans son hôtel, avaient autant scandalisé que fasciné la presse internationale.

Interpol a lancé des avis de recherche pour 27 suspects dans cette affaire. Des passeports de ressortissants français, allemands, australiens et irlandais ont aussi été falsifiés.

La Grande-Bretagne est le premier pays à prendre des mesures contre l'État hébreu dans cette histoire rocambolesque.

Le parquet de Paris a pour sa part annoncé, hier, avoir ouvert une enquête préliminaire après l'utilisation de quatre passeports français falsifiés ou employés sous de fausses identités dans l'assassinat de Dubaï. L'enquête a été ouverte le 12 mars pour faux et usage de faux, détention de faux documents administratifs et prise du nom d'un tiers pouvant entraîner des poursuites pénales.

Relation tendue

La dernière fois qu'un froid diplomatique a soufflé entre les deux nations, Margaret Thatcher était au pouvoir. Elle avait ordonné la fermeture d'une base londonienne du Mossad en 1987 après une histoire semblable de faux passeports britanniques. Le ministre israélien des Affaires étrangères de l'époque, Shimon Peres, lui avait promis qu'un tel incident ne se reproduirait plus.

Pour les analystes, les mots durs qu'a choisis David Miliband confirment que les rapports ne sont plus au beau fixe entre les deux pays. Ils se détériorent depuis l'arrivée au pouvoir de Benyamin Nétanyahou, partisan de la ligne dure.

En décembre dernier, le ministère de l'Agriculture a proposé aux chaînes d'alimentation d'indiquer la provenance des produits originaires des colonies juives établies dans les territoires palestiniens. Cette mesure, jugée hostile par les colons juifs, n'appelait pas au boycottage mais permettait aux consommateurs de faire un choix plus éclairé, a alors insisté le gouvernement britannique.

Quelques jours plus tard, un tribunal de Londres a lancé un mandat d'arrêt international contre la chef de l'opposition israélienne, Tzipi Livni, pour son rôle dans l'opération Plomb durci à Gaza en janvier 2009. Le gouvernement Brown a toutefois révoqué la décision.

La situation est tendue, confirme l'experte du Proche-Orient Rosemary Hollis. «Beaucoup d'Européens ont la citoyenneté israélienne, alors cette histoire de passeports clonés ne pouvait rester impunie. Ce camouflet est vraiment embarrassant pour Israël. L'État hébreu a de quoi être inquiet», affirme la professeure de la City University