Un an après avoir condamné Véronique Courjault pour le meurtre de trois nouveau-nés, la justice française se trouve de nouveau face à une sordide affaire d'infanticide.

La cour d'assises de la Manche a ouvert lundi le procès de Céline Lesage, 38 ans, accusée d'avoir eu et tué six bébés à l'insu de leurs géniteurs.

 

Ses démêlés avec la justice ont commencé au mois d'octobre 2007, lorsque son compagnon de l'époque a voulu voir de plus près le contenu d'un sac-poubelle déposé dans le sous-sol de leur résidence.

Il y a trouvé le cadavre d'un nouveau-né. La femme a prétendu qu'elle avait été enceinte de son ex-compagnon et fait une fausse couche. L'homme a alerté les gendarmes, qui ont fouillé les lieux et trouvé cinq autres corps de nouveau-nés.

Céline Lesage, qui est en détention provisoire depuis plus de deux ans, reconnaît qu'elle est responsable de leur mort mais peine à expliquer son comportement.

À la première journée d'audience, elle a indiqué qu'elle avait mené à terme toutes les grossesses sans que personne dans son entourage s'en rende compte. Elle a affirmé qu'elle ne réalisait elle-même son état qu'après plusieurs mois, lorsqu'elle s'apercevait que son pantalon devenait difficile à fermer.

»Ils n'étaient rien»

La femme, qui risque la prison à perpétuité, affirme avoir étouffé chaque enfant avant de cacher son corps dans un sac.

«C'est horrible à dire mais, pour moi, ils n'étaient rien. Je ne les avais pas imaginés. C'était comme un engrenage. Quelque part, je suis un monstre», a-t-elle dit au magistrat.

L'expert psychiatre entendu par la cour la décrit comme une personne «introvertie» et «phobique».

Il refuse, pour expliquer son comportement, de parler de «déni de grossesse» puisque Céline Lesage était chaque fois consciente d'être enceinte.

Dans la forme de déni la plus extrême, la mère ne reconnaît jamais avoir été enceinte, ce qui peut l'amener à rejeter tout lien avec son bébé. Le phénomène avait été évoqué dans la cause de Véronique Courjault.

«J'ai eu des patientes qui ont accouché devant moi en disant: «Ce n'est pas à moi. Ce n'est pas le mien.» Elles venaient pourtant d'accoucher devant plusieurs personnes... La psyché domine complètement le plan physique», explique à La Presse Marc-Alain Rozan, gynécologue-obstétricien qui a beaucoup étudié le sujet.

Bébés congelés

Les causes de ce comportement sont difficiles à cerner, souligne le spécialiste, qui avait critiqué la décision des tribunaux français de juger Véronique Courjault malgré ses problèmes psychologiques.

Son affaire avait débuté à l'été 2006, lorsque son mari a découvert deux corps de bébés congelés dans le réfrigérateur de leur résidence, en Corée du Sud. Elle a reconnu avoir tué les nouveau-nés à leur naissance et congelé leurs corps. Un troisième bébé, né lui aussi à l'insu de son conjoint, avait été étouffé et brûlé dans une cheminée.

Condamnée à huit ans de prison, elle espère recouvrer la liberté à la fin de l'année.