Grâce au concert historique Live Aid, dans les années 80, le monde entier s'était pressé au chevet de l'Éthiopie, ravagée par la famine. Or, selon une enquête de la BBC, une bonne partie des dons aurait plutôt servi la cause des opposants au gouvernement du pays.

Les recettes de Live Aid, ce concert-marathon qui voulait porter secours aux victimes de la famine en Éthiopie en 1985, auraient servi à armer les groupes rebelles à l'époque. C'est ce qu'ont affirmé deux anciens chefs des milices aux journalistes de la BBC, des propos corroborés par des documents de la CIA.

 

Les images d'enfants éthiopiens sous-alimentés avaient rallié la crème du rock autour de Bob Geldof, l'instigateur de Live Aid. Le chanteur irlandais, aujourd'hui philanthrope anobli, avait amassé 250 millions de dollars américains grâce au concert caritatif et aux ventes de la chanson Do They Know it's Christmas?. Or, selon la BBC, des insurgés ont détourné près de 100 millions de dollars pour acheter des armes. En plus de la famine, l'Éthiopie était rongée par une guerre civile qui opposait le régime communiste et les provinces indépendantistes de l'Érythrée et du Tigray, soutenues par les États-Unis.

Subterfuges

Des combattants se déguisaient en marchands pour berner les travailleurs humanitaires, a expliqué un ancien dirigeant du Front de libération du peuple du Tigray (FLPT), Gebremedhin Araya. Ils prétendaient leur vendre des surplus de récoltes de grains alors que les cargaisons contenaient des sacs de sable.

L'actuel premier ministre de l'Éthiopie, Meles Zenawi, était le cerveau de cette opération, a affirmé Aregawi Berhe au journaliste Martin Plaut. Meles Zenawi a accédé au pouvoir en 1991, à la suite d'une offensive du FLPT.

«L'argent de l'étranger coulait à flots. Nous avions amassé 100 millions de dollars grâce à nos subterfuges. Zelawi avait proposé que 95% de cet argent finance nos activités et que le reste soit offert aux victimes. Nos donateurs étaient dupes», raconte M. Berhe dans une entrevue diffusée sur le site de la BBC.

Un rapport de la CIA, déterré par la BBC, était parvenu aux mêmes conclusions en 1985.

Bob Geldof a furieusement réfuté ces allégations. «Si ce pourcentage de l'argent avait vraiment été détourné, bien plus d'un million de personnes seraient mortes de faim, a-t-il dit au quotidien The Times. Il est possible qu'une partie des dons ait été perdue dans cette longue guerre civile. Mais de suggérer que la tromperie s'est faite à cette échelle, c'est n'importe quoi.»

Il a ajouté: «Ce serait une tragédie si les Britanniques cessaient de donner aux oeuvres de charité à cause de ces allégations.»