Une nouvelle arme fait des ravages dans la ville de Londres: le chien. Entraîné à attaquer, le meilleur ami de l'homme devient un monstre entre les mains des gangs de rue. Résultat: le nombre d'agressions monte en flèche et les centres de refuge débordent de chiens blessés ou abandonnés par leurs jeunes maîtres.

Avril 2009. Christopher Ogunyemi, 16 ans, s'aventure un soir avec des amis dans le quartier chaud de Lambeth, dans le sud de Londres. Des jeunes les suivent jusque dans un parc. Ils ont deux chiens avec eux: des staffordshire bulls terriers, qui ressemblent aux pitbulls.

 

Soudain, la bande lance les chiens à leurs trousses. Les bêtes rattrapent Christopher et un de ses camarades. Elles les mordent sauvagement et maintiennent l'attaque jusqu'à l'arrivée des maîtres.

Les assaillants poignardent Christopher mortellement. Son ami survivra malgré les morsures et les neuf blessures au couteau qu'il a reçues.

Le procureur au tribunal Old Bailey, Brian Altman, n'a pas manqué de souligner le rôle des chiens dans cette terrible attaque, le 4 février dernier. «Un témoin a comparé le comportement des suspects à celui d'animaux sauvages... Ce qui n'est pas complètement faux puisque la victime n'a pas seulement été attaquée par des humains, mais par des chiens.»

Toutefois, contrairement à ce que l'avocat a affirmé, le cas de Christopher Ogunyemi n'est plus si «unique». Au lieu de s'armer de couteaux, de jeunes Londoniens s'achètent un chiot et l'entraînent à attaquer. L'objectif: se donner du prestige et intimider les rivaux.

«Depuis que j'ai mon chien, on me laisse tranquille», dit un jeune homme dans le documentaire de la BBC My dog is a weapon, présenté l'année dernière.

Une mode

Aussi, les chiens «dangereux» sont devenus un accessoire prisé dans la culture rap, selon Claire Robinson, de la SPCA britannique. «Le durcissement de la loi sur les armes blanches a probablement aussi joué un rôle», dit la porte-parole à La Presse.

Cette «mode» se répand comme une traînée de poudre dans les parcs de logements sociaux. En 2009, la police a retiré plus de 1000 chiens dangereux des rues de la capitale. En comparaison, entre 2002 et 2006, seulement 43 bêtes avaient été saisies.

Une unité policière a été créée en mars 2009 pour s'attaquer au problème.

Les éleveurs contournent la loi sur les chiens dangereux en croisant des races interdites, dont le pitbull terrier, avec le staffordshire bull terrier.

Des gangs rivaux s'arment de ces molosses pour régler des comptes. Ils organisent des combats de chiens. La SPCA a signalé près de 300 cas de chiens blessés en 2008.

Pendus par le cou

En octobre dernier, une clinique vétérinaire a sonné l'alarme. Elle venait de recueillir 22 bêtes dans un piteux état.

«Je n'ai jamais rien vu de tel en 42 ans», avait alors affirmé David Grant, le directeur de la clinique de la SPCA dans le nord de Londres.

Les chiens n'avaient pas seulement été blessés dans des combats. Certains avaient été poignardés ou brûlés à la cigarette. Cette torture vise à les rendre agressifs. «Une pratique courante est de les pendre par le cou à une branche», dit Claire Robinson.

Le problème des chiens prédateurs inquiète l'opinion publique. Le maire de Londres, Boris Johnson, en a fait une de ses priorités. Le tabloïd Daily Mirror fait campagne pour que la loi soit durcie.

À cause de cette mauvaise presse, les chenils sont pleins à craquer de staffordshire terriers. «C'est très difficile de leur trouver une nouvelle maison, dit Claire Robinson. La situation est tragique.»