C'est l'histoire d'un homme dont la réputation a été ternie, voire détruite, par un article de journal qui n'a pas encore été publié et qui ne le sera peut-être jamais.

Tout gouverneur de New York qu'il soit, ce démocrate semble ne plus avoir un seul ami au sein de son parti, au point où le seul politicien ayant dénoncé l'injustice dont il fait peut-être l'objet est un républicain qui veut lui succéder.

David Paterson a employé le terme «kafkaien» pour décrire la situation absurde dans laquelle il se retrouve. Jusqu'à preuve du contraire, il ne saurait mieux dire.

De quoi parle-t-on? Cette histoire n'est pas seulement celle d'un politicien aux abois mais aussi celle des médias à l'heure de Twitter et des blogues spécialisés en potins de tout genre. Le 5 février dernier, l'un d'entre eux, appelé Gawker, cite un message publié sur le compte Twitter d'un journaliste new-yorkais, selon lequel le New York Times s'apprêterait à publier un reportage explosif sur David Paterson.

Dans le même article, Gawker fait état d'un billet paru le même jour sur le blogue d'une journaliste du Daily News mentionnant «la possibilité qu'un journal important serait sur le point de larguer une histoire explosive à propos de la vie personnelle» du gouverneur.

Et Gawker d'ajouter son propre potin, à savoir que le gouverneur et sa femme pratiqueraient l'échangisme. Dans les heures et les jours qui ont suivi, les allégations de ce blogue new-yorkais écrit à plusieurs mains ont été reprises par plusieurs sites d'information, dont The Huffington Post, un des plus fréquentés aux États-Unis, ainsi que par les tabloïds new-yorkais.

À en croire les rumeurs publiées dans ces médias, l'article «explosif» du New York Times allait forcer David Paterson à démissionner, ne portant pas seulement sur ses infidélités mais également sur sa consommation de drogue.

Lundi dernier, le gouverneur de New York a choisi de contre-attaquer. Il a d'abord accordé une entrevue à l'Associated Press dans laquelle il a nié avoir trompé sa femme depuis leur réconciliation, il y a plus de dix ans, après une séparation temporaire, et avoir consommé de la drogue depuis plus de 25 ans (il en a 55).

Ces démentis ne pouvaient pas surprendre les New-Yorkais. Le jour même où il a succédé à Eliot Spitzer, le 17 mars 2008, David Paterson avait fait état de ses problèmes matrimoniaux passés et de sa consommation de cocaïne alors qu'il était âgé dans la vingtaine. Après le scandale sexuel qui avait forcé Spitzer à la démission, les aveux du nouveau gouverneur participaient d'une volonté de transparence de la part de celui qui était non seulement le premier Noir mais également le premier aveugle à occuper cette fonction.

Près de deux ans plus tard, David Paterson est l'un des politiciens les moins populaires aux États-Unis. Seuls 26% des New-Yorkais sont satisfaits de sa performance en tant que gouverneur, selon un sondage récent. Compte tenu de son impopularité, la Maison-Blanche souhaiterait que le politicien de Harlem renonce à se présenter à l'élection de novembre prochain afin de laisser la voie libre à Andrew Cuomo, ministre de la Justice de l'État de New York, qui devance tous les aspirants républicains dans les sondages.

Mais Paterson projette d'annoncer sa candidature le week-end prochain. Dans une entrevue à l'animateur radiophonique Don Imus, il a accusé des ennemis qu'il n'a pas identifiés d'avoir orchestré une campagne de rumeurs afin de le forcer à abandonner ses ambitions politiques. Et il a employé une formule frappante pour illustrer son attitude face à l'adversité.

«Je suis Noir, je suis aveugle, et je suis toujours en vivant», a-t-il dit.

Jeudi dernier, David Paterson a poursuivi sa campagne médiatique en faisant une apparition à l'émission de Larry King sur CNN. Il a de nouveau dénoncé les médias qui ont publié des allégations «odieuses et sordides» sur son compte. Et il a demandé au New York Times de mettre un  terme au «scénario kafkaien» dont il serait victime en faisant une déclaration qui le disculperait.

«La décence humaine, pour ne pas parler de l'éthique journalistique, obligerait à mon avis une organisation à mettre les choses au clair lorsqu'elle voit une personne être diffamée», a dit le gouverneur.

Tout au long de la semaine dernière, divers porte-parole du New York Times ont rappelé que le journal n'avait ni lancé ni publié de rumeurs sur le compte du gouverneur de New York. «Nous ne sommes pas responsables de ce que publient les autres médias», a déclaré Joe Sexton, un des responsables du Times. «Cela ne vient pas du Times