Tony Blair revient sous les projecteurs en Grande- Bretagne: il devra répondre aux questions de la commission d'enquête sur l'Irak vendredi. Cette audience extraordinaire, qui se déroulera devant des parents de soldats morts au combat, permettra-t-elle aux Britanniques de se réconcilier avec l'ancien premier ministre? Chose certaine, tout le pays sera suspendu à ses lèvres.

Voici le moment qu'une majorité de Britanniques attendait depuis longtemps: Tony Blair, ancien premier ministre et architecte de l'invasion de l'Irak avec George Bush, devra s'expliquer au sujet de cette guerre devant une commission d'enquête publique vendredi. Des manifestants sont attendus pour cette apparition sous haute surveillance, dans le centre-ville de Londres.

 

Celui qui fut chef du gouvernement de 1997 à 2007 se prépare jour et nuit pour son témoignage, selon le quotidien Daily Mail.

Non seulement Tony Blair devra répondre aux questions du commissaire John Chilcot, mais il devra soutenir le regard des familles de soldats morts en Irak. Une vingtaine d'entre elles doivent assister à l'audience.

Fait exceptionnel, 3000 personnes ont donné leur nom pour obtenir l'un des 40 sièges réservés au public. Malgré les sept années écoulées depuis l'invasion, la colère reste vive. Pas moins de 52% des Britanniques croient que l'ancien premier ministre les a délibérément trompés sur le dossier irakien, selon un sondage YouGov réalisé le 15 janvier dernier.

«Quel est le but?»

Or, cette enquête ne fait pas le procès de Blair. Le patron de la commission, John Chilcot, a précisé au début des audiences, en novembre dernier, qu'il n'avait pas de pouvoir judiciaire. Son rôle est de faire la lumière sur les circonstances qui ont mené au déploiement de 45 000 soldats britanniques en Irak et d'en «tirer des leçons».

«Quel est le but, alors?» ont demandé en choeur les médias. D'autant plus que les Britanniques ont déjà eu droit à deux enquêtes parlementaires peu concluantes.

Par ailleurs, plusieurs ministres du gouvernement actuel avaient voté en faveur de la guerre en Irak, a rappelé le chroniqueur-vedette du Guardian Simon Jenkins. «Supposons que Chilcot blâme des ministres et demande un procès, est-ce que le Parlement se dissout? La réponse, c'est que le commissaire n'en fera rien... Et le Parlement ne fera rien de son rapport.»

Lettres secrètes

L'enquête a tout de même donné lieu à quelques témoignages controversés. Alastair Campbell, ancien stratège et «faiseur d'image» de Tony Blair, a révélé l'existence de lettres secrètes dans lesquelles son ancien patron promet à George Bush d'«être là» si les États-Unis décident de prendre les armes contre Saddam Hussein.

Hier, deux anciens conseillers juridiques du gouvernement Blair, qui avaient jugé illégale l'invasion irakienne, ont comparu. Michael Wood a révélé que son opinion d'expert avait été balayée d'un revers de main par l'ancien ministre des Affaires étrangères et actuel ministre de la Justice, Jack Straw. Cette déclaration fera mal au Parti travailliste au pouvoir.

Et Blair, dans tout ça? Il donnera une bonne performance, prédit la presse. «Les États-Unis ont tourné la page sur l'Irak avec l'élection d'Obama, écrit Andrew Gilligan dans le Daily Telegraph. Ce n'est pas le cas en Grande-Bretagne, et le cirque médiatique de vendredi n'y changera probablement rien.»