Las de défiler dans les rues pancarte à la main, de plus en plus de militants français cherchent des voies plus novatrices pour faire entendre leurs doléances au gouvernement. C'est le cas des membres du collectif Sauvons les riches, qui dénoncent, par l'ironie, les inégalités socio-économiques existantes dans le pays.

Les clients attablés il y a quelques semaines au restaurant du Bristol, un établissement de luxe de la capitale française où le président Nicolas Sarkozy a ses habitudes, ne savaient pas qu'ils avaient besoin d'être «sauvés». Jusqu'au moment où un singulier contingent de militants a fait irruption sur les lieux.

Armés de baguettes de pain et de fromage à tartiner bon marché, les membres du collectif Sauvons les riches ont annoncé, avec un haut-parleur, qu'ils souhaitaient persuader les personnes présentes, pour leur propre bien, de «revenir sur terre» en adoptant un mode de vie plus modeste.

Le personnel de sécurité, qui n'a guère prisé l'invitation, a entrepris d'évacuer manu militari les singuliers intrus.

Quelques jours plus tard, nouvelle opération «commando». Des membres du collectif font irruption au conseil municipal de Corbeil-Essonnes, que chapeaute Serge Dassault, quatrième fortune de France.

«Votez Serge Dassault», crient-ils en lançant à la ronde plusieurs milliers d'euros en billets de Monopoly, une manière de rappeler à l'audience que l'avionneur et politicien a été condamné pour «don d'argent avec contrepartie électorale» et de dénoncer l'influence exagérée de la classe aisée sur la démocratie.

Pour un salaire maximum

Autre opération, ciblant cette fois Jacques Séguéla, un publicitaire qui s'est illustré en déclarant que toute personne qui n'a toujours pas de montre Rolex à 50 ans a «raté sa vie». Le collectif lui offre une montre Casio d'une valeur de quelques euros... qui ne fonctionne pas.

Derrière ces interventions burlesques se cache un groupe de jeunes Français qui dénonce les inégalités socio-économiques au pays. Ils réclament l'introduction d'un salaire «maximum» qui serait fixé à 30 fois le salaire médian, ce qui représente une somme d'environ 44 000 par mois, ou quelque 70 000$.

Une revendication «modeste», souligne Manuel Domergue, journaliste et ex-attaché politique de 27 ans qui a lancé Sauvons les riches avec quelques amis en mars dernier.

«L'idée est de réussir à faire accepter le principe», souligne le porte-parole, qui dit recevoir des réponses très partagées de la part de la population.

«Il y a même des gens payés au salaire minimum qui sont carrément opposés à cette revendication. Ça peut être pour des raisons idéologiques, parce qu'ils croient que l'État n'a pas à s'occuper de la répartition des richesses ou parce qu'ils s'imaginent qu'ils vont gagner un jour à la loto», indique M. Domergue.

Un tremblement de terre

La crise économique actuelle, qui met tout sens dessus dessous, est propice à l'introduction de pratiques fiscales qui auraient été considérées comme impensables il y a six mois, souligne-t-il.

«Voyez General Motors qui est nationalisé aux États-Unis. C'est un tremblement de terre qui est en train de se produire», déclare le jeune homme.

Le collectif n'a guère espoir d'être entendu par le président français, qui a réduit les impôts des classes les plus aisées à son arrivée au pouvoir.

Pour l'heure, seule une formation écologiste candidate aux élections européennes du week-end dernier a introduit cette revendication dans son programme électoral. M. Domergue souligne qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que ce parti parle de fiscalité puisque le mode de vie des plus riches menace l'environnement.

«Les gens qui gagnent des milliards consomment de manière disproportionnée et offrent leur modèle de vie comme un idéal à atteindre pour tout le monde... Ils entraînent le reste de la société dans une course à la consommation», accuse-t-il.

Le caractère inusité et humoristique des actions de Sauvons les riches a reçu jusqu'à maintenant une grande attention des médias français, et le collectif espère bien continuer à en profiter à la rentrée d'automne.

«Je vais prendre des vacances à Saint-Tropez (lieu de villégiature de l'élite française) et on va reprendre après», ironise M. Domergue.