Les Américains seront bientôt la cible d'une nouvelle campagne publicitaire dénonçant la «doctrine Bush-Obama», promet Anthony Romero, directeur de l'ACLU, une importante association de défense des libertés civiles.

L'amalgame entre Barack Obama et George W. Bush est peut-être injuste, mais il illustre la colère des organisations comme l'ACLU après deux décisions du président démocrate sur des questions de sécurité nationale qui jurent avec ses promesses électorales et même avec ses déclarations récentes.

«Il est temps de mieux protéger le peuple américain en traduisant rapidement en justice les terroristes devant nos cours fédérales ou militaires régulières», avait déclaré Barack Obama durant sa campagne présidentielle.

Il est revenu sur cette promesse et a rétabli vendredi les tribunaux militaires d'exception mis en place par son prédécesseur républicain pour juger certains suspects de terrorisme emprisonnés à Guantánamo. Bien qu'il se soit vanté d'avoir amélioré les garanties légales des prévenus - les confessions obtenues sous la torture seront notamment écartées -, il n'a pas rassuré ses nouveaux critiques.

Deux jours plus tôt, le président avait fait une volte-face encore plus soudaine: moins d'un mois après avoir autorisé la publication de nouvelles photos de sévices pratiqués par le personnel militaire américain en Irak et en Afghanistan, il a annoncé son intention de s'y opposer devant les tribunaux.

«Je crois que la publication de ces photos n'ajoutera rien à notre compréhension de ce qui a été exécuté par un petit nombre d'individus par le passé. Je crois que, en fait, la conséquence la plus directe qu'aurait leur publication serait d'attiser les sentiments anti-américains et d'exposer nos soldats à un danger plus grand», a déclaré Barack Obama.

George W. Bush n'aurait probablement pas parlé autrement, ce que l'ACLU n'a pas manqué de souligner.

«Tactiques d'obstruction»

«L'adoption par l'administration Obama des tactiques d'obstruction et de la politique d'opacité de l'administration Bush apporte un démenti cinglant au désir exprimé par le président de rétablir l'État de droit», a déclaré Anthony Romero, le directeur de l'organisation, qui avait réclamé la publication des photos des sévices au nom de la loi sur l'accès à l'information.

L'ironie - et elle est de taille -, c'est que Barack Obama tirera probablement profit aux États-Unis de ces décisions qui ont indigné certains de ses supporters. Ainsi, dans un reportage sur le retour des tribunaux militaires d'exception, le New York Times tenait pour acquis que cette décision «bénéficiera à l'administration sur le plan politique parce qu'elle rehausse la réputation de M. Obama comme leader qui adopte une ligne dure à l'égard des suspects de terrorisme».

Il faut dire que les républicains semblent avoir ébranlé la Maison-Blanche avec la férocité de leurs attaques contre la décision du président de fermer le camp de Guantánamo. À les entendre, de dangereux terroristes seront bientôt en liberté dans les villes américaines.

Les républicains ont également sévèrement critiqué la décision du président Obama de publier des notes internes du ministère de la Justice cautionnant le recours à des méthodes d'interrogatoire assimilées à la torture.

En faisant volte-face sur des questions de sécurité nationale, Barack Obama aurait donc démontré un pragmatisme qui fait non seulement partie de sa personnalité mais également de la réalité du pouvoir.

Délicats dossiers

Il ne fait pas de doute que le président a hérité de plusieurs dossiers délicats, dont celui des détenus de Guantánamo. Des 420 suspects de terrorisme qui s'y trouvent encore, cinq sont accusés d'avoir participé au complot du 11 septembre 2001, y compris le cerveau présumé des attentats, Khalid Shaikh Mohammed. Le gouvernement américain aurait pu perdre un procès contre eux devant une cour fédérale ou militaire régulière compte tenu des mauvais traitements qui leur ont été infligés depuis leur capture.

La publication de nouvelles photos de sévices en Irak et en Afghanistan aurait pu, d'autre part, entraîner Barack Obama encore plus profondément dans un débat qu'il semble vouloir éviter, celui de la torture sous l'administration Bush. Elle aurait également pu provoquer une vague de colère dans le monde musulman à la veille du discours que le président doit prononcer au Caire, capitale de l'Égypte, le 4 juin.

Les nouvelles photos de sévices devaient être publiées d'ici au 28 mai.

Quoi qu'il en soit, Barack Obama se retrouve aujourd'hui dans la position bizarre où ceux-là mêmes qu'il a dénoncés lors de la campagne présidentielle le félicitent.

«Nous sommes encore en guerre. La publication de ces photos aurait représenté une victoire psychologique pour nos ennemis. J'applaudis la décision du président», a déclaré jeudi le sénateur républicain de l'Arizona, John McCain.