La retraite prochaine de David Souter, un juge de tendance progressiste, ne permettra pas à Barack Obama de modifier l'équilibre actuel de la Cour suprême des États-Unis. Mais ce départ lui donnera quand même la chance de commencer à mettre son empreinte sur la plus haute juridiction de son pays, une des plus grandes responsabilités de sa fonction.

Le président n'a pas tardé à démontrer son intention de jouer un rôle de premier plan dans ce dossier. Il a lui-même interrompu le point de presse quotidien du porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, vendredi matin, pour confirmer la décision du juge Souter de se retirer. Son intérêt pour cette question ne devrait pas étonner. Après tout, l'homme a enseigné le droit constitutionnel à l'Université de Chicago.

 

Son intervention impromptue lui a également permis de donner un aperçu des critères qui guideront son choix.

«Je vais chercher une personnalité à l'esprit vif et indépendant, connue pour son excellence et son intégrité, a-t-il dit. Je vais chercher quelqu'un qui comprenne que la justice n'est pas faite seulement de théories juridiques abstraites ou de notes en bas de page dans un dossier, mais que c'est prendre en compte de la manière dont les lois touchent la vie des gens dans ses réalités quotidiennes.

«Nous avons besoin de quelqu'un qui a le coeur, l'empathie de reconnaître ce que c'est d'être une mère adolescente. L'empathie de comprendre ce que c'est d'être pauvre, d'être Afro-Américain, d'être gai, d'être handicapé ou vieux. Ce sont les critères que j'utiliserai pour sélectionner les juges.»

Femmes en lice

La liste des candidats préférés de la Maison-Blanche contiendrait moins de 10 noms. S'il faut se fier aux médias américains, trois femmes semblent avoir une longueur d'avance sur les autres: Sonia Sotomayor, 55 ans, juge à la Cour d'appel de New York; Diane Wood, 59 ans, juge à la Cour d'appel de Chicago; Elena Kagan, 48 ans, ancienne doyenne de la faculté de droit de Harvard.

La juge Sotomayor arrive en tête de plusieurs listes. Née dans une famille d'immigrés portoricains du Bronx, elle a étudié à Princeton et à Yale avant de devenir procureure fédérale. Elle a été nommée juge fédérale en 1992 par George Bush père et juge à la Cour d'appel en 1998 par Bill Clinton. Considérée comme centriste par certains observateurs, elle deviendrait la première Hispanique à entrer à la Cour suprême.

Sur certains plans, la juge Sotomayor ne serait pas trop dépaysée à la Cour suprême, et ce, même s'il n'y siège plus qu'une femme - Ruth Bader Ginsburg - depuis la retraite de Sandra Day O'Connor. Comme tous les juges actuels, elle a passé par la Cour d'appel et, comme tous ses éventuels collègues sauf un, elle a fréquenté l'une des deux plus grandes facultés de droit américaines, celle de Yale (Harvard étant l'autre).

Un juriste chevronné?

Mais Obama voudra peut-être rompre avec cette homogénéité. Il pourrait même causer la surprise, selon certains journalistes, en nommant à la Cour suprême un élu ayant une solide expérience de juriste. Entrent dans cette catégorie les Deval Patrick, gouverneur du Massachusetts, Jennifer Granholm, gouverneure du Michigan, et Christine Gregoire, gouverneure de l'État de Washington.

Un tel scénario ne doit pas être écarté trop rapidement. Lors de sa campagne présidentielle, Barack Obama avait exprimé son admiration pour l'ancien président de la Cour suprême, Earl Warren. Il voyait comme un précieux atout l'expérience que celui-ci avait acquise à titre de gouverneur de Californie.

Quel que soit son choix, Barack Obama doit s'attendre à être contesté par les conservateurs et les républicains, qui voudront tenter de retrouver leur enthousiasme et leur cohésion autour de ce dossier. En théorie, les républicains du Sénat ne sont pas assez nombreux pour empêcher la confirmation du candidat du président. Ils peuvent cependant trouver dans son passé des choses susceptibles de faire dérailler le processus.

«Je leur conseille d'examiner le passé de leur candidat un peu mieux qu'ils l'ont fait pour d'autres», a déclaré le sénateur républicain Lindsay Graham en faisant allusion aux problèmes du président Obama dans le choix de certains membres de son cabinet.

Le chef de la Maison-Blanche souhaite que le remplaçant du juge Souter soit en poste dès le mois d'octobre. Il pourra notamment compter, dans la bataille à venir, sur l'aide de son vice-président, Joseph Biden, qui a été président de la commission sénatoriale de la Justice, devant laquelle le candidat à la Cour suprême devra comparaître.