Termonde pleurait ses disparus, hier. Le meurtre de deux bébés et d'une éducatrice vendredi a consterné cette communauté tissée serré. Des parents sous le choc avaient du mal à comprendre l'attaque du meurtrier, toujours interrogé par les autorités. Notre journaliste a recueilli leur témoignage, dont celui du mari d'une éducatrice blessée dans la tuerie.

Termonde «Comment est-ce possible ici?» Cette question était sur toutes les lèvres hier à Termonde, au lendemain de la tragédie. Les habitants de la petite ville se sont recueillis par centaines à la mairie et sur les lieux du drame. L'air grave, les yeux rougis, des parents serraient contre eux leurs enfants en silence.

 

Le mystère planait toujours quant aux motifs de l'assassin, que les autorités désignent sous le nom de «Kim D.». Une chose est certaine: l'homme de 20 ans s'était armé jusqu'aux dents avant de s'introduire dans la garderie par une porte déverrouillée.

Au moment de son arrestation, il avait en sa possession une hache, un couteau et un faux pistolet, et il portait une veste pare-balles. Deux autres couteaux ont été trouvés dans les environs de la garderie, selon le procureur de la région, Christian Du Four.

Le suspect se mure dans le silence depuis son arrestation, a précisé le magistrat en conférence de presse. «Il a été interrogé pendant des heures et il n'a rien dit sur ses actes», a dit M. Du Four, dans une salle bondée de journalistes au poste de police de Termonde.

Du propre aveu du magistrat, les autorités sont dans le «flou total» sur Kim D. Elles savent en revanche qu'il vivait seul et était au chômage. Il résidait à Belsele, à 20 km de Termonde.

Trois psychiatres l'examineront dans les prochains jours.

Des médias belges ont suggéré que le meurtrier s'était grimé le visage de blanc et les yeux de noir pour ressembler au personnage du Joker interprété par Heath Ledger dans le dernier Batman. Christian Du Four a refusé de commenter cette rumeur.

«Elle nous manquera tant»

Les habitants de Termonde, eux, n'avaient de pensées que pour les trois victimes: Korneel Vermeir, 6 mois, Léon Mannaert, 9 mois, et Marita Blinderman, 54 ans.

À la mairie, un cahier de condoléances était déposé sur une table entre un bouquet de tulipes blanches et une bougie allumée.

Accompagnée de ses deux jeunes filles, Ingrid Michem refoulait ses sanglots. «Un collègue est le grand-père du petit Léon, dit-elle. Je l'ai vu quelques minutes après qu'il eut appris la nouvelle. Il était en morceaux.»

Ingrid Michem n'a pu retenir ses larmes en parlant de Marita Blinderman, l'éducatrice qui est morte. «Elle a gardé trois de mes enfants. C'était une femme très dévouée. Elle prenait soin de son fils, de sa mère et de sa soeur, qui était handicapée. Il y a deux semaines, elle m'avait dit qu'elle avait un nouveau copain. Elle semblait si heureuse. Elle nous manquera tant...»

De son côté, Caroline Van Langenhove s'inquiétait de la sécurité à l'école de son fils. «C'est si facile d'y entrer, on n'a qu'à presser sur un bouton. N'importe quel fou peut y accéder. Sauf qu'on s'attend à ce que ce genre de tuerie survienne aux États-Unis, pas ici!»

Même les enfants de Termonde ne se sentaient plus à l'abri. «Ma fille de 8 ans ne me lâche plus d'une semelle depuis que son école lui a expliqué ce qui est arrivé», dit Annemie Demuyt.

Bébés mutilés

Un malaise plus profond pourrait découler de cette tragédie. Des histoires d'infanticides fortement médiatisées ont marqué la Belgique ces dernières années, la plus connue étant l'affaire Dutroux en 1996. L'année dernière, une enseignante de 42 ans a été reconnue coupable d'avoir égorgé ses cinq enfants.

Le premier ministre belge Herman Van Rompuy a évoqué ces épisodes douloureux vendredi en déclarant: «Une fois encore, le pays est sous le choc et endeuillé par cet épouvantable acte de violence perpétré dans une société qui aspire à vivre en harmonie et en paix avec chacun.»

Cette question hantait l'esprit de Tania Simon, hier. La mère de famille se recueillait devant la crèche, où avaient été déposés des animaux de peluche, des gerbes de fleurs et des dessins d'enfants par dizaines.

«Je ne sais plus si la Belgique est un pays sûr pour notre famille», dit la mère de deux enfants.

Sept des 12 blessés étaient toujours hospitalisés hier. Certains des bébés sont gravement mutilés, a révélé le Dr Ignace De Meyer, chef du service des urgences d'un hôpital de la région, vendredi soir.