Connu pour ses déclarations antisémites et pro-nazies, le politicien autrichien Jörg Haider est mort le mois dernier dans un accident de la route. Depuis, au deuil de ses partisans s'ajoute une controverse digne d'un roman feuilleton. Tout indique que ce sulfureux leader politique était gai. Son ancien bras droit s'est effondré en parlant de la mort tragique de «l'homme de sa vie». Notre envoyé spécial à Vienne, Marc Thibodeau, a obtenu une entrevue exclusive avec le dauphin de Haider, Stefan Petzner.

Jörg Haider, qui s'est tué à la mi-octobre dans un accident de la route, n'était pas homosexuel. Et il n'a jamais eu de relation autre qu'amicale avec son ancien porte-parole, Stefan Petzner, qui vient de lui succéder à la tête de l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ).

 

Tel est, du moins, le message aujourd'hui véhiculé par les ténors de cette formation de droite populiste -souvent qualifiée d'extrême droite dans les médias- qui a récolté en septembre 11% des voix aux élections législatives du pays.

M. Petzner avait décrit publiquement son ancien mentor comme «l'homme de sa vie» dans les jours suivant l'accident, stupéfiant par sa franchise la population du petit pays, généralement très discrète sur la vie privée des hommes politiques. La nouvelle a fait le tour du monde presque instantanément.

En entrevue à La Presse dans les locaux viennois du BZÖ, l'élégant homme de 27 ans, ex-journaliste de mode, a assuré la semaine dernière qu'il n'a jamais été l'amant de M. Haider.

«Mes mots ont été mal interprétés... J'ai pleuré parce que j'ai perdu un ami. Si vous perdiez un ami proche, vous pleureriez aussi si vous aviez une âme», a expliqué le politicien, le visage rougi, dans un anglais hésitant.

Il s'agissait des premiers commentaires de M. Petzner au sujet de ses relations avec M. Haider depuis sa retentissante sortie de la mi-octobre lors d'une entrevue à la radio. Le parti, embarrassé, avait tenté en vain d'empêcher sa rediffusion et annulé les entrevues médiatiques prévues pour souligner son arrivée à la tête du BZÖ.

Un «Furhër» gai?

Le jeune politicien est revenu sur le sujet avec La Presse de sa propre initiative, à l'issue d'un long entretien portant essentiellement sur les objectifs politiques du parti et ses perspectives d'avenir après la mort de Jörg Haider.

M. Petzner, visiblement très éprouvé par les événements des dernières semaines, s'est emporté en réaction à une question qui visait à savoir s'il était exact que les déclarations intimistes sur son ancien chef l'avaient contraint à renoncer au poste de leader parlementaire du BZÖ.

«Il n'a jamais été question qu'il prenne la tête du groupe parlementaire», a précisé par la suite son attaché de presse, prenant le contre-pied de nombreux médias autrichiens. Il a écarté du même coup les rumeurs voulant que les jours du nouveau chef à la tête du parti soient comptés.

Plusieurs analystes politiques font valoir qu'il sera difficile pour le BZÖ de faire campagne avec un chef homosexuel puisqu'une part importante de son électorat conservateur est peu réceptive à ce sujet.

Jörg Haider, marié et père de deux enfants, se présentait comme un défenseur des valeurs familiales. Il a toujours refusé durant sa carrière politique d'aborder les rumeurs relatives à son orientation sexuelle et à la présence de nombreux jeunes hommes dans son entourage.

La dramaturge Elfriede Jelinek l'avait attaqué à ce sujet au début des années 90, décrivant dans les médias l'homme politique autrichien comme le «Furhër d'un cercle homoérotique».

En 2000, des journaux allemands et autrichiens avaient tenté de provoquer la sortie de placard du politicien, soulignant que la communauté gaie viennoise disposait de preuves de sa double vie. Le quotidien alternatif berlinois Die Tageszeitung évoquait notamment sa proximité avec le trésorier de son ancien parti, un homme de 28 ans, et la présence dans son entourage de l'un des fils du dictateur libyen Mouammar Khadafi, Saïf, en séjour linguistique à Vienne.

Le parti de Jörg Haider avait écarté le contenu de l'article, arguant qu'il n'était pas question de commenter de telles «absurdités».

Médias très discrets

La principale organisation de défense des gais du pays, Hosi, a indiqué à l'époque qu'elle était au courant de l'orientation sexuelle du chef populiste depuis 10 ans et que sa sortie de placard aurait dû survenir plus tôt.

Un de ses porte-parole s'étonnait la semaine dernière que les déclarations de M. Petzner n'aient pas eu plus d'écho en Autriche, qui demeure l'un des pays d'Europe de l'Ouest les plus conservateurs en ce qui a trait aux droits des homosexuels.

L'été dernier, 120 000 personnes ont manifesté à Vienne lors du «Rainbow Parade», réclamant la légalisation du mariage homosexuel et la fin de la discrimination. Les sociaux-démocrates défendaient un projet visant à permettre un «partenariat engagé» entre conjoints de même sexe, mais le projet est tombé à l'eau avec l'élection de septembre.

Malgré les retombées politiques pratiquement incontournables des déclarations de Stefan Petzner sur ses liens avec Jörg Haider, les médias autrichiens restent aujourd'hui très discrets sur le sujet. Certains magazines populaires présentent des portraits du jeune homme sans aborder la nature de sa relation avec le défunt politicien.

Les Autrichiens interrogés dans la rue répètent que la vie sexuelle des hommes politiques ne concerne qu'eux et personne d'autre. L'affaire était néanmoins entendue depuis longtemps pour la majorité des gens.

«C'était un secret de Polichinelle. Quand Stefan Petzner a donné son entrevue à la radio, tout le monde en Autriche a compris exactement ce qu'il voulait dire», dit Peter Hajek, un analyste politique de la capitale.