Il n'y a pas que les prêteurs sur gages qui profitent des crises économiques. Donné pour mort politiquement il y a quelques semaines, le premier ministre britannique, Gordon Brown, est aujourd'hui décrit comme le sauveur de la planète financière.

Salué et imité aux quatre coins de la planète, le plan de sauvetage des banques britanniques a donné un nouveau souffle à son principal architecte: le premier ministre Gordon Brown.

 

Depuis une semaine, pas un jour ne passe sans qu'un ténor de la classe politique mondiale ou des médias ne chante ses louanges. À la faveur de la crise financière, celui qui était décrit comme le «Mr. Bean» de la politique britannique attire désormais les comparaisons avec Churchill!

Applaudi par le Financial Times pour avoir «pris des mesures audacieuses pour sauver le système financier et, avec lui, l'économie réelle», Gordon Brown a été surnommé «le magicien du social-libéralisme anglo-saxon» par Le Monde.

Mieux, le Prix Nobel d'économie américain, Paul Krugman, a rendu hommage à l'action «claire et déterminée» de Brown et s'est même demandé si ce dernier n'avait pas «sauvé le système financier mondial».

Suivre l'exemple

Mais plus encore que les paroles, ce sont les actes qui parlent. Des États-Unis à l'Europe, les nations se bousculent désormais pour suivre l'exemple britannique. En fait très largement inspiré de mesures prises par la Suède en 1992, le «plan Brown» prévoit notamment la nationalisation partielle des banques en difficulté.

Auteur d'une biographie du premier ministre, William Keegan croit que Gordon Brown a eu la chance «de bien connaître le sujet». Au cours des 10 ans qu'il a passé à la tête du ministère des Finances, «il a milité pour plus de transparence et pour plus de régulation du système financier à l'échelle mondiale», rappelle l'auteur et journaliste.

«Qui plus est, poursuit Keegan, Brown a eu la chance que les Américains aient très mal géré la crise.» Longtemps perçu comme un handicap en Grande-Bretagne, les airs de comptable terne du premier ministre sont devenus un signe rassurant au milieu de la crise financière. Ses troupes, qui se rebellaient depuis plusieurs mois, se sont sagement rangées derrière lui.

Même si les travaillistes traînent encore loin derrière les conservateurs dans les sondages (33% contre 43%), Brown a finalement recommencé à grignoter des points.

Flash Gordon

Se réjouissant de ce retour en grâce, le député travailliste Andrew Love croit qu'il n'y a toutefois pas de quoi pavoiser. «Il faut voir le contexte; nous étions au plus bas dans les sondages. Il faut se montrer prudent, ce n'est pour l'instant qu'un sursaut sur une courte durée», admet-il.

Cette prudence est sans doute bien avisée. Le «plan Brown» n'est pas sans risque: les prises de participation dans les banques représentent à elles seules plus de 4000$ par contribuable britannique, et ce, alors qu'une récession sévère s'annonce à l'horizon.

En bon fils de pasteur presbytérien, Gordon Brown s'est d'ailleurs bien gardé de verser dans le triomphalisme. À un journaliste qui lui demandait mardi s'il s'identifiait désormais à Flash Gordon, le héros de bande dessinée qui sauve le monde des griffes de l'empereur Ming, Brown a répondu par la négative: «Seulement Gordon, seulement Gordon, je vous l'assure.»