Le Pentagone, voire la CIA, auraient financé en sous-main le camp du non en Irlande pour favoriser le rejet du traité de Lisbonne lors du référendum tenu en juin. Le but de l'opération? Freiner la construction européenne et l'émergence d'un bloc politique plus soudé susceptible de faire contrepoids aux États-Unis, notamment sur le plan militaire.

L'hypothèse, qui avait circulé sur l'internet avant le référendum, a tout pour plaire aux adeptes de théories du complot. Elle n'en inquiète pas moins un groupe d'élus européens qui réclament des clarifications sur l'origine des fonds de Libertas, l'organisation irlandaise la plus en vue dans le camp du non.

Le président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering, presse Declan Ganley, le richissime homme d'affaires qui chapeaute Libertas, d'expliquer la provenance des 800 000 euros dépensés durant la campagne.

Au cours d'un débat à ce sujet, l'eurodéputé vert Daniel Cohn-Bendit a évoqué la semaine dernière l'existence possible de liens entre le camp du non et le Pentagone ou la CIA, citant un récent article d'un journal irlandais, The Irish Examiner.

Le rôle des néoconservateurs

Le quotidien relevait récemment qu'une firme de télécommunications appartenant à M. Ganley tire des revenus considérables de contrats avec la Garde nationale américaine et le Pentagone.

L'article en question ajoutait que des membres de l'establishment militaire américain étaient opposés au traité de Lisbonne et pourraient avoir eu intérêt à soutenir illégalement le camp du non.

«Si les allégations sont vraies, elles montreraient clairement qu'il y a des forces aux États-Unis qui sont prêtes à payer des gens pour déstabiliser une Europe forte et autonome», a déclaré M. Cohn-Bendit.

Le secrétaire d'État français chargé des Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, avait abordé cette possibilité au lendemain du référendum irlandais en déclarant que le «rôle des néoconservateurs américains a été très important dans la victoire du non».

«L'Europe a des ennemis puissants de l'autre côté de l'Atlantique dotés de moyens financiers considérables», a souligné le politicien, qui a été accusé par la revue Marianne de sortir de sa poche «un Joker digne de James Bond».

Comme le code Da Vinci

Declan Ganley estime que les élus européens veulent le discréditer plutôt que de chercher les véritables racines de leur défaite référendaire.

«Apparemment, je suis soutenu par la CIA et l'armée américaine... Quoi d'autre encore? Je travaille pour les martiens? Je suis conseillé par des lézards?» ironise l'homme d'affaires, qui refuse de préciser combien de personnes ont contribué à son organisation.

Ses critiques soulignent qu'il admet avoir donné 200 000 euros de sa poche à Libertas dans le cadre d'un «prêt» qui pourrait contrevenir à la loi.

M. Ganley assure qu'aucune somme n'est venue de l'extérieur du pays et que tout a été fait dans la plus stricte légalité. Une affirmation qui devra être validée par la commission chargée de superviser les dépenses référendaires.

En attendant ses conclusions, des chroniqueurs irlandais font leurs choux gras de l'intérêt des députés européens pour le dirigeant de Libertas. «Wow! Bientôt ils vont trouver un lien entre Ganley et l'Opus Dei. Dan Brown le mettra en vedette dans la suite du Da Vinci Code, qu'il appelera le Code Libertas, souligne un scribe du quotidien The Independant.