Le silence de la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi après la condamnation lundi de deux journalistes qui enquêtaient sur un massacre de Rohingya en Birmanie s'explique par sa volonté de ne pas critiquer les décisions de justice, a déclaré mardi le vice-ministre de l'Information.

Deux reporters birmans de Reuters accusés d'avoir porté « atteinte au secret d'État » pour avoir enquêté sur un massacre de musulmans rohingya par l'armée en Birmanie ont été condamnés lundi à sept ans de prison, au terme d'un procès qui a entaché un peu plus l'image d'Aung San Suu Kyi.

Cette condamnation a entraîné de vives critiques des Nations unies, de l'Union européenne, des États-Unis, mais aussi de médias et d'ONG de défense des droits de l'Homme, dont plusieurs ont dénoncé l'absence de réaction de la détentrice du prix Nobel de la Paix, véritable icône dans son pays.

L'ancienne opposante politique, qui a passé près de quinze ans en résidence surveillée sous la junte militaire, au pouvoir jusqu'en 2011, a été accusée la semaine dernière par le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, d'être devenue « la porte-parole des militaires birmans », tant son refus de prendre position agace à l'étranger.

Le silence d'Aung San Suu Kyi, arrivée au pouvoir en 2016, a toutefois été défendu mardi par le vice-ministre de l'Information, Aung Hla Tun, lui-même ancien journaliste à Reuters.

« Critiquer le système judiciaire reviendrait à mépriser les tribunaux », a-t-il déclaré à l'AFP.

Les avocats des deux journalistes vont faire appel du jugement, mais la procédure pourrait prendre plusieurs mois, voire plusieurs années.

Le président birman, un allié d'Aung San Suu Kyi, pourrait aussi gracier les deux reporters, mais selon des experts, une telle décision est peu probable dans l'immédiat.

La Birmanie se situe à la 131e place sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse 2017 de Reporters sans frontières.

Ce verdict intervient dans un contexte de grande tension entre la Birmanie et la communauté internationale : lundi dernier, des enquêteurs de l'ONU ont publié un rapport évoquant un « génocide » des Rohingya et accusant directement l'armée, mais aussi le silence d'Aung San Suu Kyi, à la tête du gouvernement civil depuis 2016.

En 2017, plus de 700 000 Rohingya, une minorité musulmane apatride, ont fui vers le Bangladesh, face aux violences commises par les forces armées birmanes et des milices bouddhistes.