Son sourire était-il une promesse ou juste une opération de charme de la froide dictature nord-coréenne? Nombre de Sud-Coréens restaient sur leurs gardes après la visite historique en Corée du Sud de la soeur du leader Kim Jong Un.

Kim Yo Jong, qui est repartie dimanche au Nord, est devenue à l'occasion des jeux Olympiques de Pyeongchang la première membre de la dynastie régnant à Pyongyang à fouler le sol du grand rival depuis la fin de la guerre de Corée en 1953.

Elle a à ce titre été un objet de fascination au Sud et pour les médias étrangers dès le moment où elle est apparue vendredi, entourée de gardes du corps, à l'aéroport international d'Incheon, en Corée du Sud.

Elle a serré la main du président sud-coréen Moon Jae-in, encouragé avec lui l'équipe coréenne unifiée de hockey, et lui a remis de la part de son frère une invitation à venir à un sommet à Pyongyang.

Chaque détail de sa visite a été scruté et interprété avec attention, qu'il s'agisse de ses vêtements, de l'expression de son visage ou même de son écriture.

En observant les mots qu'elle avait écrits sur le livre d'or de la «Maison bleue», la présidence sud-coréenne, un graphologue a jugé Mme Kim «positive, optimiste et concentrée sur des objectifs».

Son frère, qui a succédé fin 2011 à son père Kim Jong-Il qui avait lui-même succédé à son père Kim Il-Sung, ne pourra que se satisfaire des débuts diplomatiques réussis de sa soeur, a déclaré de son côté Yang Moo-Jin, professeur à l'Université des études nord-coréennes de Séoul.

«Je n'y crois pas»

«Kim a beaucoup souri, mais en même temps on l'a rarement vue incliner la tête pendant sa visite, même devant notre président», a-t-il dit. «Il se peut que Kim Jong Un s'en félicite.»

Les réactions des Sud-Coréens sont partagées.

«Ils tiraient encore des missiles il y a peu et réalisaient un essai nucléaire avant de lancer soudainement cette initiative de paix», observait à l'AFP Kim Byoung-gwan, un homme d'affaires. «Je n'y crois pas.»

D'autres se désolent de l'attention médiatique portée à Kim Yo Jong.

«Les médias au Sud et à l'étranger sont gagas», déplorait un internaute. «Ils vont bientôt se joindre aux médias du Nord pour l'idolâtrer.»

M. Moon, un partisan déclaré du dialogue, a été vertement critiqué par le camp conservateur sud-coréen qui considère qu'il est allé trop loin dans le but de plaire au Nord.

Néanmoins, un des temps forts de la visite de la délégation nord-coréenne restera le moment où Mme Kim et celui qui a rang de chef d'État de la Corée du Nord, Kim Yong Nam, se sont levés lorsqu'a été levé le drapeau sud-coréen sur le stade olympique de Pyeongchang.

Eduquée en Suisse comme son frère, Kim Yo Jong, qui est probablement âgée d'une trentaine d'années, a connu une ascension fulgurante après le décès de leur père.

«Art de la dissimulation»

Elle fut nommée en 2014 «directrice adjointe de département» au sein du comité central du Parti des travailleurs au pouvoir, avant d'intégrer en octobre son puissant Politburo.

Celle qui tout au long de sa visite a affiché une assurance et une confiance à toute épreuve passe désormais pour une des plus proches confidentes de Kim Jong Un.

«Elle est une des rares personnes à pouvoir parler librement de tout avec le leader Kim», croit savoir Yang Moo-jin, professeur à l'Université des études sur la Corée du Nord à Séoul.

«Elle a probablement une influence bien plus importante que les autres responsables nord-coréens pour ce qui concerne la prise de décision et la coordination politique avec le leader», ajoute-t-il, en précisant qu'elle parle couramment français et anglais.

Mais au-delà des assauts d'amabilité lors des jeux Olympiques, beaucoup de Sud-Coréens ne cachent pas leur scepticisme.

«La famille Kim a toujours été maître dans l'art de la dissimulation», affirmait un internaute.

«Elle peut savoir se comporter comme il faut, cela ne suffira pas pour faire oublier les atrocités commises par elle et sa famille», avertissait un autre.