Propulsée le 1er août à la tête d'une opposition travailliste aux abois, Jacinda Ardern, 37 ans, est désormais en position de former un gouvernement en Nouvelle-Zélande. Une prouesse qui aura cependant un coût politique.

Portée par une impressionnante vague de sympathie appelée «Jacinda-mania» par les médias, celle qui a été comparée au Français Emmanuel Macron et au Canadien Justin Trudeau a surfé sur la promesse d'un «changement» de génération pour offrir au centre gauche une remontée inespérée dans les sondages avant les élections.

Le scrutin très serré du 23 septembre a été suivi de plusieurs semaines de négociations tendues avec le leader populiste Winston Peters, 72 ans, que les résultats avaient placé en arbitre du duel entre Mme Ardern et le premier ministre sortant Bill English (centre droit).

Mme Ardern devrait donc devenir la plus jeune première ministre de Nouvelle-Zélande depuis 1856. La troisième femme seulement à occuper ce poste.

Un comble pour celle qui affirmait n'avoir auparavant jamais imaginé briguer un jour le poste de premier ministre.

Née en 1980 à Hamilton, à 130 km au sud d'Auckland, Jacinda Ardern affirme que c'est la pauvreté qu'elle a vue dans l'arrière-pays de l'Île du Nord qui a contribué à forger ses convictions de gauche.

Fille d'un policier, elle a été élevée dans la foi mormone, à laquelle elle renonce dans les années 2000 en raison des positions de cette Église sur l'homosexualité.

Elle s'intéresse très tôt à la politique grâce à une tante et entre dans les organisations des jeunesses travaillistes. Après ses études, elle travaille pour la première ministre Helen Clark, puis à Londres pour Tony Blair.

Élue à la Chambre des représentants en 2008, et toujours réélue depuis, Mme Ardern devient en mars chef adjointe du Parti travailliste.

«Le pire poste politique»

À l'époque, les caciques du parti la voyaient comme un talent en devenir, mais encore trop tendre pour la joute politique.

Et c'est comme par défaut qu'elle prend la tête de l'opposition quand son prédécesseur Andrew Little démissionne le 1er août alors que les travaillistes sont au fond du trou, avec 23% des intentions de vote.

«Tout le monde sait que je viens d'accepter sans préavis le pire poste politique», déclare-t-elle en devenant la cinquième chef du Parti travailliste en quatre ans, la plus jeune de son histoire centenaire.

Parier sur la jeunesse à deux mois d'un scrutin était osé. Mais les travaillistes ont signé une incroyable remontée dans les sondages, au point que certains ont même entrevu la possibilité que le centre gauche arrive en tête des élections, ce qui n'est pas arrivé.

Les travaillistes et leurs alliés Verts ont obtenu la majorité grâce au soutien du populiste Winston Peters, également courtisé par M. English. On ignore encore le prix payé par Mme Ardern pour ce ralliement décisif.

Elle s'est elle-même dite surprise par l'enthousiasme suscité par sa campagne, qu'elle a mis sur le compte d'un «un mouvement pour le changement»: «Après neuf ans, les gens commencent à sentir que nous sommes à la dérive.»

Cette diplômée de communication est adepte des petites phrases incisives qui captent l'attention, notamment au sein d'une jeunesse avide de changement.

«Ma génération a été oubliée au bord de la route par le gouvernement», déclarait-elle récemment.

Quelques débats enflammés avec M. English ont eu raison des doutes sur son tempérament.

Elle a en outre gagné des points en répondant vertement à un journaliste qui lui soutenait à la télévision que les Néo-Zélandais avaient le droit de connaître ses projets de grossesse avant de décider ou non de voter pour elle.

«Il est totalement inacceptable de dire en 2017 que les femmes doivent répondre à cette question, sur leur lieu de travail», a-t-elle dit.

Reconnaissant le bilan économique solide de son adversaire, Jacinda Ardern a axé sa campagne sur la lutte contre les inégalités sociales, notamment en matière de logement, d'éducation et de santé.