Pas assez de nourriture, d'eau, des camps difficiles d'accès et jonchés d'excréments: la situation pour les Rohingyas réfugiés au Bangladesh alarme les Nations unies et les ONG, qui appellent à l'aide pour éviter une catastrophe sanitaire.

L'ONU a estimé vendredi qu'il faudrait 167 millions d'euros (200 millions de dollars) au cours des six prochains mois pour affronter la «catastrophique» crise humanitaire des réfugiés rohingyas venus de Birmanie.

«Toutes les conditions sont réunies pour qu'une épidémie se déclare et se transforme en une catastrophe de grande ampleur», explique Robert Onus, coordinateur d'urgence de Médecins sans frontières (MSF), dans un communiqué publié jeudi soir.

MSF craint notamment une épidémie de choléra et de rougeole.

Plus de 429 000 musulmans rohingyas ont fui au Bangladesh ces dernières semaines pour échapper à une campagne de répression de l'armée birmane, qualifiée d'«épuration ethnique» par l'ONU. Jeudi, le président français Emmanuel Macron est allé jusqu'à évoquer un «génocide».

À leur arrivée au Bangladesh, les rescapés trouvent des camps débordés et sont contraints de déboiser les collines, ou de s'installer sous de simples bâches au bord des routes. Et les pluies torrentielles de ces cinq derniers jours ont transformé en bourbiers toute la zone, faisant craindre des glissements de terrain.

«Les camps sont surpeuplés à ce stade, ils débordent littéralement», a déclaré à Genève Andrej Mahecic, le porte-parole du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), qui évoque le risque de maladies.

Dans cette région frontalière, des dizaines de milliers de personnes vivaient déjà dans des camps, dans des conditions précaires avant ce nouvel exode.

Et chaque jour de nouveaux réfugiés arrivent au Bangladesh après des jours entiers de marche sous la pluie souvent. Mais l'acheminement de l'aide est compliqué car la zone est immense et il n'y a pas de route à l'intérieur des camps.

«Le terrain est vallonné, sujet aux glissements de terrain, et il n'y a pas de latrines. Quand on marche à travers le camp, on patauge dans l'eau sale et les déjections», décrit Kate White, coordinatrice médicale d'urgence de MSF.

Faute d'eau potable, les gens boivent de l'eau collectée dans les rizières, les flaques, ou dans de petits puits creusés à la main et souvent contaminés par des excréments.

«Chaque jour nous recevons des adultes sur le point de mourir de déshydratation», explique Kate White. «Habituellement c'est très rare chez les adultes et cela montre bien que nous sommes face à une urgence de grande ampleur».

L'Arabie saoudite a envoyé 100 tonnes de nourriture, de tentes et de matelas qui ont commencé à arriver à Cox's Bazar. Les États-Unis ont, eux, promis 32 millions de dollars au Bangladesh pour l'aider à affronter cette crise.

La minorité rohingyas de Birmanie est considérée comme l'une des communautés les plus persécutées au monde. Avant la crise actuelle, environ un million vivaient en Birmanie mais ils sont depuis 1982 des étrangers dans ce pays, qui leur a retiré la citoyenneté.

Vendredi matin, une bombe a explosé vendredi dans l'enceinte d'une mosquée dans l'ouest de la Birmanie, dans un district plutôt épargné par les troubles.

Le gouvernement birman a dénoncé une tentative des «terroristes» d'«effrayer la population», avant la prière du vendredi.

La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix très critiquée pour sa gestion de la crise, avait expliqué mardi dans un discours sur la crise qu'il n'y avait pas eu de combats depuis le 5 septembre et que l'opération de l'armée était également terminée.

Depuis le 25 août et des attaques de rebelles rohingyas, l'armée birmane a lancé dans l'ouest du pays une campagne de répression. Accusée de viols, de meurtres et d'incendies de villages, l'armée procède d'après les Nations unies à une «épuration ethnique». Et accuse les rebelles des destructions.