Le président philippin Rodrigo Duterte a salué un «héros» en la personne de Ferdinand Marcos au cours d'un weekend de célébrations organisées par les alliés du défunt dictateur avant le centenaire de sa naissance lundi.

M. Duterte multiplie les efforts pour redorer le blason de Ferdinand Marcos, renversé il y a 31 ans par une révolution populaire après un règne marqué par de graves violations des droits de l'Homme et des accusations de corruption.

Le chef de l'État, qui est lui-même accusé d'abus des droits de l'Homme, est un ami de la famille Marcos et a joué un rôle clé dans ses efforts pour grimper à nouveau les échelons du pouvoir politique.

Les Marcos ont réussi un retour remarquable, la veuve du dictateur étant entrée au Congrès, son fils briguant la vice-présidence.

Rodrigo Duterte, qui présente l'ancien président comme le meilleur que l'archipel ait jamais eu, avait stupéfait en novembre une grande partie des Philippins en autorisant que la dépouille de Marcos soit transférée au cimetière réservé aux héros de la nation, à Manille.

Jeudi, M. Duterte a déclaré que le 11 septembre serait «un jour férié spécial» dans la province d'Ilocos Norte, bastion du clan Marcos.

«C'était un président. Pour les habitants d'Ilocos, c'était le plus grand président. Pourquoi est-ce qu'il doit y avoir un débat là-dessus?», a demandé M. Duterte samedi soir.

«En ce qui concerne les habitants d'Ilocos, Marcos est un héros» et toutes les critiques à son encontre ne sont que «des âneries», a poursuivi M. Duterte, connu pour ne jamais mâcher ses mots.

Dix milliards

Les opposants au régime Marcos dénoncent depuis un an une tentative pour faire oublier ses crimes.

Élu président en 1965, puis réélu en 1969, Marcos a décrété la loi martiale en 1972, gouvernant d'une main de fer l'archipel jusqu'à la révolution de 1986 qui l'a contraint à fuir aux États-Unis avec sa famille. L'ancien homme fort est décédé à Hawaï en 1989.

La famille Marcos a pu rentrer au pays après le décès du patriarche, dont le corps embaumé était conservé dans une crypte au domicile familial dans la province d'Ilocos Norte, avant son transfert au Cimetière des Héros.

Marcos est accusé d'avoir détourné 10 milliards de dollars des caisses de l'État.

L'organisation Transparency International l'avait classé en 2004 comme le deuxième dirigeant le plus corrompu de tous les temps.

Il est aussi accusé d'avoir orchestré des violations des droits de l'Homme à grande échelle, avec des milliers de Philippins tués, torturés ou jetés en prison, selon les défenseurs des droits et de précédents gouvernements philippins.

Mais aucun membre du clan Marcos n'a jamais été derrière les barreaux et la famille a opéré ces derniers temps un spectaculaire retour en politique.

Les Marcos ont organisé ces derniers jours divers événements à Ilocos pour raconter le règne du patriarche, y compris une messe catholique ainsi que l'inauguration d'une plaque à Batac, la ville ancestrale de la famille.

«Reconnaissance finale»

Lita Lampitoc, une habitante de 72 ans, résume le sentiment général: «Nous somme d'Ilocos alors nous sommes tous pour Marcos».

Comme on lui parle des opposants à l'ancien homme fort, elle réplique «qu'ils ne connaissent rien à Marcos. Nous, on connaît Marcos».

Lorsque du dévoilement de la plaque, Rene Escalante, qui dirige une commission historique, reconnaît que l'opinion est divisée sur le sujet. Mais à ses yeux, le gouvernement Marcos «avait contribué grandement au renforcement de la nation».

La plaque, a dit Ferdinand Marcos Junior, est «la reconnaissance finale des 21 années de présidence de mon père et de ses 21 années de travail en tant qu'architecte principal de la nation».

Le fils de l'ancien dictateur, qui a perdu la campagne pour la vice-présidence de 2016, a introduit un recours contre le résultat. M. Duterte le soutient dans sa démarche.

Aux Philippines, l'élection à la présidence et à la vice-présidence sont deux scrutins séparés.

Lors de la cérémonie, Marcos fils a été présenté comme le «futur vice-président des Philippines».

Imee Marcos, fille aînée du dictateur et gouverneure d'Ilocos, reconnaît que son père est très contesté. Mais elle appelle à la réconciliation, demandant que «les deux parties se rassemblent finalement afin que la polarisation de notre pauvre pays assiégé prenne fin».

Elle n'a fait toutefois aucune mention d'excuses ou de concessions qui pourraient amadouer les opposants aux Marcos.