Rex Tillerson a effectué une visite mardi en Thaïlande, une première pour un secrétaire d'État américain depuis le coup d'État de 2014, afin de tenter de convaincre Bangkok d'isoler Pyongyang, avant de rejoindre la Malaisie.

Les États-Unis sont inquiets de l'existence de compagnies nord-coréennes d'export-import utilisant Bangkok comme plateforme régionale, changeant leurs noms fréquemment, a expliqué devant la presse Susan Thornton, haute diplomate voyageant avec M. Tillerson.

Washington voudrait convaincre les militaires thaïlandais de fermer ces sociétés-écrans afin de couper ce canal commercial utilisé jusqu'ici sans restriction par la Corée du Nord.

Cette visite intervient alors que le durcissement des sanctions de l'ONU, sous l'impulsion de Washington, pourrait coûter à la Corée du Nord un milliard de dollars de revenus annuels tout en restreignant des échanges économiques cruciaux avec la Chine, son principal allié et partenaire économique.

Ces sanctions ont été prises pour tenter de réfréner les ambitions nucléaires de Pyongyang. Pour l'heure, le régime a testé plusieurs engins atomiques et a réussi deux lancements de missiles balistiques intercontinentaux, capables de frapper les États-Unis, mais sa capacité à mettre une bombe atomique sur l'un de ces lanceurs est encore en doute.

Le Washington Post a cependant révélé mardi les conclusions secrètes d'experts du renseignement américain selon lesquelles la Corée du Nord a réussi à miniaturiser une bombe nucléaire pour l'embarquer sur l'un de ses missiles intercontinentaux et ainsi faire peser la menace d'une attaque nucléaire sur la première puissance mondiale.

Peu après la publication de cet article, le président américain Donald Trump a promis «le feu et la colère» à Pyongyang si ses «menaces» à l'encontre des États-Unis se poursuivaient.

Réfugiés nord-coréens

Alliée traditionnelle de Washington, la Thaïlande est également un des rares pays d'Asie du Sud-Est à accueillir une ambassade nord-coréenne et entretient des liens commerciaux importants avec Pyongyang.

Selon la diplomatie thaïlandaise, Bangkok est le troisième plus important partenaire commercial pour Pyongyang, après Pékin et Séoul: les échanges commerciaux entre les deux pays étaient de plus de cent millions d'euros en 2014.

Officiellement, la Corée du Nord exporte du matériel électrique et chimique, la Thaïlande envoyant en Corée du Nord sucre, poisson ou caoutchouc.

À l'issue de cette visite, le Secrétaire d'État américain s'est rendu à Kuala Lumpur en Malaisie mardi soir, où il s'est entretenu au Parlement avec le premier ministre Najib Razak.

Autre moyen de pression: Washington demande à la Thaïlande de durcir le régime de visas pour les Nord-Coréens, des plus souple jusqu'ici.

Ce durcissement ne doit pas concerner les réfugiés nord-coréens, nombreux à fuir par la Thaïlande vers la Corée du Sud, a insisté Mme Thornton.

Le secrétaire d'État américain avait exclu lundi, lors d'un sommet régional à Manille -où la Thaïlande était représentée- un retour rapide au dialogue avec la Corée du Nord.

Il avait estimé que les nouvelles sanctions infligées à Pyongyang par l'ONU démontraient que la planète avait perdu patience face à ses ambitions nucléaires.

La Corée du Nord a assuré que le durcissement sensible des sanctions de l'ONU ne l'empêcherait pas de développer son arsenal nucléaire, prévenant qu'elle ne négocierait pas sous la menace des États-Unis.

«Des hauts et des bas»

Rex Tillerson a également rencontré à Bangkok le chef de la junte militaire, le général Prayut Chan-O-Cha, sans déclarations à l'issue.

«Concernant la situation sur la péninsule coréenne, la Thaïlande est prête à coopérer et à apporter son aide», a cependant assuré le porte-parole de la junte, Werachon Sukhondapatipak.

Rex Tillerson a expliqué devant le personnel de l'ambassade américaine à Bangkok qu'il s'agissait de «développer» la relation avec ce vieil allié historique.

Il a cependant reconnu «les hauts et les bas» de cette relation, alors que les États-Unis ont réduit la voilure sur plusieurs programmes de coopération avec Bangkok, notamment son grand entraînement militaire régional conjoint Cobra.

Depuis le renversement du gouvernement civil en Thaïlande par une junte militaire ultra-royaliste, les rassemblements à caractère politique restent interdits, entre autres restrictions à la liberté d'expression critiquées par Washington.