Le Parlement du Pakistan a élu mardi premier ministre l'ex-ministre et homme d'affaires Shahid Khaqan Abbasi en remplacement de Nawaz Sharif, destitué vendredi à la suite d'une affaire de corruption.

L'issue du vote ne faisait guère de doute, M. Abbasi ayant reçu le soutien de M. Sharif lui-même et de son parti, le PML-N, majoritaire au Parlement. M. Abbasi a prêté serment dans la soirée devant le président pakistanais Mamnoon Hussain.

Le nouveau chef du gouvernement est un proche de M. Sharif. Lui rendant hommage devant les députés, il a affirmé que «pas un centime» de corruption n'avait été prouvé à son encontre, en dépit de l'arrêt de la Cour suprême qui a brusquement mis fin à son troisième mandat à la tête du pays vendredi.

«Si Dieu le veut, un jour, le vrai premier ministre de ce pays reviendra et s'assiéra dans ce fauteuil», a lancé M. Abbasi, fines lunettes et barbe poivre et sel, en désignant le siège réservé au chef du gouvernement. Dans les galeries de l'assemblée, des partisans du PML-N brandissaient eux aussi des portraits géants de Nawaz Sharif en criant des slogans en sa faveur.

L'opposition, dont le parti de l'ex-champion de cricket Imran Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), s'était pour sa part présentée divisée au scrutin, avec de très minces chances de l'emporter. Leurs bancs sont apparus clairsemés lors du vote et Imran Khan lui-même était absent.

Le passage à la tête du gouvernement pakistanais de M. Abbasi, qui occupait depuis 2013 le poste de ministre du Pétrole dans le gouvernement de M. Sharif, pourrait toutefois être bref, ce dernier ayant déjà fait savoir qu'il entendait confier sa succession politique à son frère cadet Shahbaz Sharif.

Celui-ci, qui occupe actuellement le poste de chef du gouvernement provincial du Pendjab, doit encore se faire élire au Parlement fédéral s'il veut devenir à son tour premier ministre.

Cela pourrait être chose faite d'ici 45 jours s'il présente comme attendu sa candidature dans la circonscription électorale laissée vacante par son frère à la suite de la décision de la Cour suprême.

En attendant cette échéance, M. Abbasi a insisté sur le fait qu'il n'entendait nullement faire de la figuration à son nouveau poste.

«Que ce soit 45 jours ou 45 heures, je suis le premier ministre du Pakistan et je suis ici pour travailler, pas pour garder la place au chaud», a-t-il lancé.

«Route chaotique»

La Cour suprême avait rendu vendredi un arrêt controversé «disqualifiant» M. Sharif de son poste de député, le jugeant coupable de n'avoir pas déclaré un salaire de 10 000 dirhams (3400 $ CAN) attribué par une entreprise détenue par l'un de ses fils aux Emirats arabes unis.

Bien que M. Sharif n'ait pas perçu le salaire en question, les cinq juges de la Cour suprême ont estimé que le premier ministre ne s'était pas comporté en «membre honnête du Parlement», comme le requiert la Constitution, d'où leur verdict.

Ce jugement a divisé au Pakistan. Pour nombre d'observateurs, le motif avancé par la Cour relève de la «technicité» et prouve le caractère «politique» du verdict, voire relève du «coup d'État judiciaire».

Pour l'analyste politique Imtiaz Gul, du Centre for Research and Security Studies, il s'agit au contraire «d'un grand moment pour la transition du Pakistan vers une vraie démocratie fonctionnelle. Je pense que c'est très bien pour le processus de responsabilité et l'État de droit. Espérons que la disqualification de Nawaz servira de catalyseur», a-t-il dit.

C'est la troisième fois que Nawaz Sharif est empêché de terminer un mandat, la première fois - déjà - à la suite d'un scandale de corruption, la deuxième en raison d'un coup d'État.

Imran Khan, le charismatique leader de l'opposition, qui a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille, espère pour sa part surfer sur le scandale pour rallier des suffrages en vue des prochaines élections législatives, prévues en juin 2018. Il est cependant lui-même soupçonné de corruption.