Le Japon a fait un pas vers la première abdication d'un empereur en 200 ans, en validant en conseil des ministres un projet de loi spéciale qui ne vaudra que pour l'actuel souverain Akihito.

Le texte doit être présenté en commission parlementaire rapidement et l'exécutif espère un vote définitif de la Diète au cours de l'actuelle session.

Si tout se passe comme prévu, Akihito pourrait, selon la presse, renoncer à ses fonctions dès fin 2018 et laisser à son fils aîné Naruhito le trône du Chrysanthème début 2019.

Les éléments du texte donnés par le porte-parole du gouvernement indiquent que «l'abdication doit avoir lieu à une date fixée par décret dans un délai qui ne dépasse pas 3 ans après sa promulgation».

Un calendrier trop serré serait de nature à inquiéter les administrations et fabricants d'agendas et calendriers, car ils travaillent déjà sur les versions de 2019 et le Japon ne fonctionne pas seulement en année après Jésus-Christ mais aussi, pour les documents administratifs et professionnels, en années d'ère impériale.

Celle d'Akihito, débutée en janvier 1989 immédiatement après le décès de son père Hirohito, est l'ère Heisei («Parachèvement de la paix»), qui en est à sa 29e année. Celle de son successeur portera un autre nom, qui devra être défini en s'assurant qu'il n'existe pas de précédent identique ou synonyme au Japon ni dans aucun autre pays, un travail de titan selon les experts.

La loi mentionne aussi les appellations proposées pour Akihito et son épouse Michiko une fois que ces derniers auront passé la main. D'après les médias, il seraient nommés en japonais par des expressions équivalant à «empereur retraité» et «impératrice retraitée».

Le projet de loi n'évoque pas en revanche le fait que l'empereur lui-même avait laissé filtrer en août dernier son intention de renoncer à son titre de son vivant, car la Constitution précise que le souverain ne peut en théorie pas prononcer des paroles qui entraînent une action politique. 

Boîte de Pandore

Reste que la façon dont il avait émis des inquiétudes sur ses capacités à tenir son rôle de «symbole du peuple et de l'unité de la nation» en raison de son âge (83 ans actuellement) avait été interprétée par tous comme une volonté d'être déchargé de ses lourdes tâches - il signe des milliers de documents, assiste à des dizaines de célébrations et effectue de nombreux déplacements chaque année.

L'empereur avait dans le même temps signifié à demi-mot que le système de régence, qui existe dans la loi actuelle régissant la Maison impériale, ne lui convenait pas car il resterait souverain en titre sans remplir ses fonctions. Conscient de son importance aux yeux des citoyens, il plaide pour que l'empereur le soit pleinement ou pas du tout.

L'été dernier, immédiatement après la diffusion du message télévisé dans lequel Akihito avait exprimé ses craintes liées à la vieillesse, le Premier ministre Shinzo Abe avait répondu «prendre ces paroles avec sérieux et souhaiter un débat serein» sur cette épineuse question.

Il avait alors mis en place une commission de personnalités dont les recommandations se reflètent pleinement dans le projet de loi actuel.

Selon divers sondages, 90% des Japonais considèrent qu'il faut autoriser l'empereur à abdiquer.

L'existence de cette loi spéciale ne change pas le fait que la règle fondamentale reste la législation de la Maison impériale, qui encadre les droits et devoirs de l'empereur et des siens.

A contrario d'une partie de l'opposition et de constitutionnalistes, les proches de M. Abe, en l'occurrence les membres du Parti libéral-démocrate qu'il préside, ont toujours appuyé l'idée d'une loi d'exception, afin de ne pas ouvrir la boîte de Pandore de la révision de la «loi sur la Maison impériale».

Les nationalistes veulent en effet éviter que ne soit remis en cause le système patrilinéaire. Même si la fille de l'empereur donnait naissance à un garçon, ce dernier n'apparaîtrait pas dans l'ordre de succession, pas plus que les filles des princes.

Cette stricte patrilinéarité, conjuguée au fait que la famille impériale se réduit à chaque fois qu'un de ses membres décède ou qu'une fille se marie à un roturier (elle sort de la famille), fait craindre une interruption de la dynastie la plus ancienne du monde dans les décennies à venir.