Le chef de l'État qui sera élu en mai en Corée du Sud comblera un vide présidentiel et aura aussi pour tâche de tempérer l'approche agressive de Donald Trump envers les ambitions nucléaires de Pyongyang, estiment les analystes.

La destitution de l'ex-présidente Park Geun-Hye, tenante de la ligne dure avec la Corée du Nord, a laissé à la Maison-Blanche la voie libre dans la crise sur le programme d'armements nord-coréens.

Le président américain a conseillé au dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un de «bien se tenir». Les responsables américains répètent à l'envi que «toutes les options sont sur la table», déclenchant les foudres de Pyongyang.

Le Nord a progressé vers la réalisation de son rêve: mettre au point un missile capable d'acheminer une ogive nucléaire sur le continent américain et les spéculations vont bon train sur l'imminence d'un sixième essai nucléaire.

Mais dans la course à la présidentielle, le favori Moon Jae-In, du Parti démocratique, principale formation de l'opposition, comme son seul challenger sérieux, Ahn Cheol-Soo, appellent Donald Trump à la modération envers le pays reclus doté de l'arme nucléaire.

Tous deux s'opposent à l'idée d'une première frappe américaine.

«La Corée du Sud n'a pas actuellement de président et sa voix sur le sujet crucial de la sécurité dans la péninsule coréenne n'a tout simplement pas été entendue», souligne Hong Hyun-Ik, chercheur à l'Institut Sejong.

«Mais après l'élection du 9 mai, le futur président devrait appeler Washington à collaborer étroitement avec Séoul sur des sujets comme des frappes préventives contre le Nord», dit-il à l'AFP.

Politique intérieure

Pour Kang Won-Taek, professeur à l'Université nationale de Séoul, tout vainqueur aura davantage à coeur que Mme Park d'engager le dialogue avec Pyongyang et «cherchera à calmer la rhétorique dure des États-Unis».

Le Nord a déployé des forces d'artillerie importantes mettant Séoul à portée de frappe. La capitale sud-coréenne risque la catastrophe en cas d'escalade même si aucune arme nucléaire n'est utilisée.

Washington a plus de 28 000 soldats en Corée du Sud pour protéger son allié.

Les États-Unis ont également annoncé l'envoi du porte-avions Carl Vinson et son groupe de combat près de la péninsule coréenne -- M. Trump parlant «d'armada». En fait, le groupe aéronaval est encore à des milliers de kilomètres de là, comme vient de le reconnaître le Pentagone.

Malgré les unes alarmistes de la presse internationale sur les risques de guerre, les Sud-Coréens ont gardé leur calme et leurs médias évoquent des sujets de politique intérieure.

Les Sud-Coréens vivent depuis des décennies avec les menaces de la Corée du Nord, qui redoublent d'intensité chaque printemps avec les exercices militaires menés par Washington et Séoul, considérés par Pyongyang comme la répétition d'une invasion.

La campagne électorale est plutôt dominée par le ralentissement de la croissance économique, le chômage des jeunes et la puissance des conglomérats familiaux.

«Papiers alarmistes»

Ces dernières années, les médias sud-coréens «se sont marché dessus pour publier des papiers alarmistes» sur le nucléaire nord-coréen, notait le commentateur Kim Kap-Soo à la télévision mercredi. «Mais cette fois-ci, il semblerait qu'il y ait un accord tacite pour éviter d'alimenter la crise».

La République de Corée, qui fut dévastée par la guerre de 1950-53, a été dirigée par des conservateurs pro-américains pendant 57 ans, sur 68 années d'existence.

Mais la victoire de l'opposition à la présidentielle semble acquise après le retentissant scandale de corruption qui a emporté Mme Park.

M. Moon, personnalité plutôt à gauche, recueille 44,8% d'opinions favorables, contre 31,3% à M. Ahn, du Parti du peuple (centre), selon un dernier sondage.

Dans un récent livre, M. Moon écrivait que Séoul devait apprendre à dire «non» à Washington. M. Moon fut le directeur de cabinet de l'ex-président progressiste Roh Moo-Hyun, qui recherchait des relations «plus justes et plus équilibrées» avec les États-Unis.

Le candidat de gauche martèle que Washington ne doit pas mener d'opération militaire sur la péninsule «sans le consentement préalable» de Séoul et s'est dit prêt à aller à Pyongyang pour désamorcer les tensions.

M. Moon est favorable au maintien des sanctions contre Pyongyang mais s'est montré plus hostile au déploiement en Corée du Sud du bouclier américain antimissiles Thaad qui provoque la colère de la Chine.

M. Ahn explique qu'il dira au président américain qu'il faut à tout prix éviter la guerre. Il est favorable au système Thaad ainsi qu'aux négociations avec le Nord. «Parallèlement aux sanctions, je rechercherais le dialogue pour la réconciliation, l'ouverture et la réunification».