La nouvelle dirigeante de Hong Kong Carrie Lam a promis dimanche de réparer les fractures politiques de l'ancienne colonie britannique après un vote qualifié de simulacre par le camp démocrate inquiet d'un recul des libertés.

Le territoire semi-autonome de Hong Kong jouit en théorie jusqu'en 2047 de libertés inconnues sur le continent, en vertu du principe «un pays, deux systèmes» qui avait présidé à sa rétrocession à la Chine en 1997.

Mais 20 ans après, de nombreux habitants ont l'impression que Pékin tourne le dos à ce principe destiné à protéger le mode de vie hongkongais.

Mme Lam, 59 ans, considérée comme la grande favorite de Pékin, a été désignée par un comité électoral de 1194 membres pour l'essentiel acquis à la Chine. Seul un quart d'entre eux sont issus du camp démocrate.

Cette ancienne fonctionnaire a remporté le scrutin avec 777 voix, contre 365 à son principal rival, John Tsang, également une figure de l'establishment, mais largement plus apprécié du public selon les sondages d'opinion.

Un troisième prétendant, l'ancien juge Woo Kwok-hing, plus progressiste, a recueilli 21 votes.

Les opposants de Mme Lam considèrent qu'elle va aggraver les divisions. Mais elle a promis d'unir les Hongkongais.

«Ma priorité, c'est de guérir (les) fractures», a-t-elle lancé, assurant vouloir protéger les valeurs fondamentales comme la liberté d'expression et l'indépendance de la justice.

«Cauchemar» du camp démocrate

Comme on l'interrogeait sur les inquiétudes de nombreux Hongkongais sur le fait que Pékin resserrerait la vis, elle a répondu qu'il n'y avait «aucune différence» entre les visions hongkongaise et chinoise sur le statut du territoire.

C'est la première fois que le dirigeant de l'exécutif est désigné depuis la «révolte des parapluies» de 2014, qui avait précipité les gens dans la rue afin de réclamer - en vain - un véritable suffrage universel pour ce scrutin.

Mme Lam, la première femme à diriger un gouvernement hongkongais, est haïe par les démocrates, car elle avait soutenu le projet de réformes défendu par Pékin et qui avait provoqué le mouvement de 2014.

Ce projet instaurait le suffrage universel, mais les candidats auraient été adoubés par Pékin et l'opposition avait parlé de «fausse démocratie». Depuis, la réforme a été remisée au placard.

Mme Lam est également détestée pour sa proximité avec le chef du gouvernement sortant, Leung Chun-ying, dénoncé par ses contempteurs comme étant la marionnette de Pékin.

L'échec du mouvement de 2014, l'absence de perspectives ont déclenché des appels à l'autonomie de Hong Kong, voire son indépendance, au grand dam de Pékin.

De nombreux démocrates contestent toute légitimité au processus électoral.

Demosisto, mouvement dirigé par Joshua Wong, visage de la «révolte des parapluies», et le député rebelle Nathan Law, a qualifié ce résultat de «cauchemar pour les Hongkongais».

«Patate chaude»

Les militants démocrates ont annoncé une vaste campagne de désobéissance civile pour la prise de fonctions de Mme Lam, le 1er juillet, qui marquera aussi le 20e anniversaire de la rétrocession. Le président chinois Xi Jinping est attendu à Hong Kong à cette occasion.

Des manifestants des deux camps s'étaient fait face devant le Centre des congrès où s'est tenu le scrutin, sur la baie de Hong Kong. Certains militants ont jeté du papier de toilette par-dessus les murs du bureau de liaison chinois dans l'ex-colonie.

Les membres du comité électoral étaient représentatifs de groupes d'intérêts - sports, immobilier, agriculture, arts - et l'écrasante majorité des 3,8 millions d'électeurs n'ont pas eu leur mot à dire.

La victoire nette de Mme Lam montre que Pékin n'a pas grand-chose à faire de l'opinion, jugent les analystes.

«La loyauté est le critère principal», dit Willy Lam, spécialiste de la Chine de l'université chinoise de Hong Kong. À ses yeux, Mme Lam va rester à l'écart de la «patate chaude» que sont les réformes politiques.

Mme Lam assure qu'elle fera consensus en se concentrant sur les questions sociales, comme la pauvreté et le logement.

Sa tâche sera difficile dans une ville où de nombreux jeunes ont perdu tout espoir dans le système politique et leur avenir en général.

Les salaires sont trop bas pour leur permettre d'accéder à la propriété. Le marché immobilier, alimenté par les millions de dollars venus du continent, est exorbitant.

Les craintes sur le renforcement du contrôle de Pékin ont été exacerbées par la «disparition» en 2015 de cinq libraires de Hong Kong connus pour la publication de titres salaces sur la classe politique chinoise. Ils avaient refait surface sur le continent en état d'arrestation.